Arias Montanus est entré en possession de tous les manuscrits qu’Alphonse de Zamora avait préparés et révisés en vue d’imprimer la Polyglotte de Complute ; il s’en est servi pour la Bible royale.
Au départ, la Bible royale devait être une seconde édition de la Polyglotte de Complute, mais elle a été bien plus qu’une simple révision. Le texte hébreu et le texte grec de la Septante ont été empruntés à la Bible de Complute ; puis de nouveaux textes ont été ajoutés, ainsi qu’un appendice détaillé. Finalement, la nouvelle Polyglotte comprenait huit tomes. Son impression s’est échelonnée sur cinq ans, de 1568 à 1572, un délai très court compte tenu de la complexité de l’ouvrage. Au total, elle a été tirée à 1 213 exemplaires.
Alors que la Polyglotte de Complute s’était révélée un “ monument de l’art typographique ”, la nouvelle Polyglotte d’Anvers l’a surpassée par sa qualité et par son contenu. Elle constituait une avancée dans l’histoire de l’impression et, plus important encore, dans l’affinage des textes de référence de la Bible.
Les ennemis de la Parole de Dieu attaquent
Comme il fallait s’y attendre, ceux qui s’opposaient à la traduction fidèle de la Bible n’ont pas tardé à se manifester. Bien que la Polyglotte d’Anvers eût l’approbation du pape et qu’Arias Montanus se soit acquis, à juste titre, une réputation de bibliste respectable, ce dernier a été dénoncé à l’Inquisition. Ses opposants lui ont reproché de présenter la traduction latine révisée de Sanctes Pagninus comme une version plus exacte des textes hébreu et grec originaux que la Vulgate, traduite des siècles auparavant. Ils l’ont aussi accusé d’hérésie pour avoir consulté les langues originales aux fins de produire une traduction exacte.
L’Inquisition est allée jusqu’à affirmer que “ le roi n’avait pas gagné grand honneur à ce qu’on mêlât son nom royal à cette œuvre ”. Elle a déploré que Montanus n’ait pas accordé assez d’importance à la Vulgate, la version officielle. Malgré ces accusations, les preuves n’étaient pas suffisantes pour condamner Montanus ni la Bible polyglotte. En définitive, la Bible royale a reçu bon accueil ; plusieurs universités en ont fait un ouvrage de référence.
Un outil précieux pour traduire la Bible
La Polyglotte d’Anvers n’était pas destinée au grand public, mais elle est rapidement devenue un outil précieux pour les traducteurs de la Bible. Comme la Polyglotte de Complute, qui l’avait précédée, elle a contribué à l’affinage des textes des Écritures disponibles à l’époque. Elle a aussi aidé les traducteurs à améliorer leur compréhension de ces langues. Cette œuvre a facilité la traduction de la Bible dans plusieurs grandes langues européennes. Ainsi, The Cambridge History of the Bible signale que des traducteurs de la fameuse Bible du roi Jacques, ou Version autorisée (1611), se sont largement appuyés sur la Polyglotte d’Anvers pour traduire les langues anciennes. La Bible royale a également exercé une influence considérable sur deux bibles polyglottes importantes publiées au XVIIe siècle. — Voir l’encadré “ Les bibles polyglottes ”.
La Polyglotte d’Anvers présentait entre autres avantages celui de rendre accessible pour la première fois aux érudits européens la version syriaque des Écritures grecques. En regard du texte syriaque figurait une traduction littérale en latin. Cet ajout était très utile, car la version syriaque était l’une des plus anciennes des Écritures grecques chrétiennes. Datant du Ve siècle de notre ère, elle était basée sur des manuscrits qui remontaient au IIe siècle de notre ère. Selon une encyclopédie (The International Standard Bible Encyclopedia), “ la valeur de la Peshitta [syriaque] pour l’analyse textuelle est généralement reconnue. Elle est l’un des plus vieux et des plus importants témoins des traditions anciennes ”.
Ni la mer démontée ni les attaques de l’Inquisition espagnole n’ont empêché que la Polyglotte de Complute revienne à la surface, en 1572, sous la forme d’une version améliorée et augmentée, la Bible royale. L’histoire de la Polyglotte d’Anvers est encore un exemple des efforts que des hommes sincères ont déployés pour défendre la Parole de Dieu.
Que ces hommes dévoués l’aient su ou non, leur labeur désintéressé a attesté la véracité des paroles prophétiques d’Isaïe. Il y a près de 3 000 ans, il a écrit : “ L’herbe verte s’est desséchée, la fleur s’est flétrie, mais la parole de notre Dieu, elle, durera pour des temps indéfinis. ” — Isaïe 40:8.