Que les scientifiques de tous horizons soient aujourd'hui dans l'impossibilité d'expliquer la totalité des faits évolutifs est bien pardonnable. Comment pourrait-il en être autrement, alors que cela fait seulement quelques dizaines d'années qu'ont été découverts l'ADN et les mécanismes moléculaires fondamentaux du vivant ? Pour autant, loin de rendre les armes devant les difficultés rencontrées, les chercheurs font flèche de tout bois pour décrypter le scénario d'un film commencé il y a 2,5 milliards d'années. « Ces questions constituent un des champs scientifiques les plus vastes et stimulants, et ce d'autant plus qu'au-delà de son intérêt académique et pratique, étudier l'évolution fournit des clés de réflexion pour prédire l'impact des changements globaux en cours sur les organismes et les systèmes écologiques », dit Jean-Christophe Auffray, directeur de l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (Isem)1.
Sur la piste de la diversité biologique
Mettre les mains dans le moteur moléculaire pour comprendre comment émerge et se maintient la diversité biologique, Nicolas Galtier en a fait sa spécialité, à l'Isem. « On peut étudier l'évolution à différents niveaux d'organisation, rappelle-t-il : à l'échelle des écosystèmes, à l'échelle des espèces, à l'échelle des organismes ou encore à l'échelle des génomes, ce que je fais. Je “regarde évoluer” des séquences d'ADN, aussi bien dans des populations actuelles qu'entre des espèces très éloignées comme les bactéries et les mammifères, sachant que certains gènes (comme ceux régulant la transcription de l'ADN en ARN et la traduction de l'ARN en protéines) sont communs à l'ensemble des organismes vivants. » De l'art de « faire parler » les gènes pour déchiffrer les relations de parenté qui unissent les êtres vivants et reconstruire l'histoire évolutive des espèces.
Mais comment expliquer que certaines d'entre elles (l'espèce humaine, par exemple) évoluent moins vite que d'autres (comme la drosophile) au niveau de leur génome ? Mystère. Les causes de ces différences de vitesse d'évolution moléculaire entre espèces restent largement inexpliquées. « Plusieurs pistes se dessinent, indique Nicolas Galtier, impliquant un lien soit avec l'apparition spontanée de changements génétiques d'une génération à l'autre, soit avec l'efficacité de la réparation de l'ADN lésé, soit avec la durée de vie moyenne d'une génération d'organismes, soit encore avec la capacité des différentes espèces à éliminer les mutations délétères (désavantageuses). »
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