Voici mon éclairage à ce sujet, que j'ai posté dans ma présentation, suite à la demande que Tibouc m'avait fait en ce sens dans le passé:
- La première à mentionner, connue de tous quasiment, concerne le
Filioque. Si les catholiques croient que le Saint Esprit procède du Père
et du Fils (en latin
Filioque), les orthodoxes n'ont jamais accepté cette addition au Credo de Nicée-Constantinople, normatif pour toute l'Eglise. Cette addition fut malgré tout introduite unilatéralement par l'Eglise d'Occident et en violation du principe de conciliarité valable pour tous, car il était bien spécifié dans le Credo même qu'il ne devait en aucune mesure être retouché... Les orthodoxes restent donc pleinement fidèles à la formulation des Pères du Concile: "... Je crois en l'Esprit Saint, Seigneur qui donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes ...". A la limite, on pourrait dire également avec Olivier Clément: "... l'Esprit procède du Père et repose sur le Fils ...". Cette différence est essentielle pour un orthodoxe, car pour ce dernier le
Filioque rompt avant tout l'équilibre trinitaire, amoindrit l'égalité parfaite des trois Personnes de la Sainte Trinité, et entraîne à terme une confusion théologique entre la Personne divine du Saint Esprit et la grâce (avec tous les conflits possibles que cela entraîne, comme la Réforme protestante)...
- Autre différence évidente aux yeux de beaucoup, l'évêque de Rome est uniquement considéré comme Patriarche de l'Eglise de Rome, et nullement comme Pape universel, ayant une primauté juridique avec à la clef une reconnaissance de sa supériorité sur tous les évêques d'Orient et d'Occident. Le principe synodique, ou conciliaire, en vigueur dans les Actes, est resté intact en Orthodoxie, et aucun évêque n'est au-dessus des autres. Le Patriarche Oecuménique de Constantinople est premier en honneur, mais il n'a pas le droit de décider tout seul, et il n'a pas l'infaillibilité que revendique le Pape, qui appartient seulement au Concile Oecuménique, reconnu par tous dans le Saint Esprit. Décréter le Pape infaillible, c'est mettre l'homme à la place du Dieu-Homme. Or l'Eglise orthodoxe confesse avec force que seul le Christ est l'unique et véritable chef de l'Eglise et qu'il est invisiblement présent en elle pour la guider dans l'inspiration de l'Esprit...
- Le rôle de l'icône: l'icône est un moyen de connaître Dieu et de s'unir à Lui. Elle ne peut donc se définir comme un élément décoratif, ni même seulement comme une illustration de l'Ecriture comme c'est la tendance dans les églises catholiques. Au contraire, elle fait partie intégrante de la liturgie qui nous rend accessible à Dieu par la beauté. Dieu en effet ne s'est pas uniquement fait entendre; Il s'est fait aussi voir; Il s'est fait aussi Visage.
- Il n'y pas une liturgie dans un seul rite, mais quatre liturgies pour un même rite dans l'Orthodoxie:
. La liturgie de St Jean Chrysostome (liturgie habituelle des dimanches et des jours de semaine)
. La liturgie de St Basile le Grand (employée dix fois par an; elle diffère peu de celle de St Jean Chrysostome mais les prières secrètes sont plus longues)
. La liturgie de St Jacques, frère du Seigneur (un fois par an le 23 octobre)
. La liturgie des Présanctifiés (spécialement pendant les jours de semaine du Carême à l'exception des dimanches, du jeudi saint et du samedi saint)
Il faut aussi rajouter l'existence de deux rites occidentaux: un pratiqué chez des orthodoxes d'origine anglicane, et la liturgie selon saint Germain de Paris, qui date du 6e siècle dans son origine. On peut trouver ce dernier dans certaines paroisses orthodoxes canoniques francophones. Précisons également que dans la liturgie orthodoxe, le prêtre se doit d'être marié, le célibat n'est réservé qu'aux moines et aux évêques; à la différence des catholiques où le célibat est imposé à tous...
- Les orthodoxes communient sous les deux espèces, pain et vin aussi bien pour le clergé que les fidèles, alors que pour les catholiques, seuls les officiants communient sous les deux espèces. De plus, les orthodoxes utilisent uniquement du pain levé pour la communion, qui symbolise le corps ressuscité du Christ, à l'inverse des catholiques qui utilisent un pain azyme non levé, l'hostie. Signalons aussi que l'usage du jeûne total avant l'Eucharistie à partir de la veille au soir est toujours en vigueur en Orthodoxie, et n'est donc pas simplement optionnel comme dans le Catholicisme. Parce que en Orthodoxie, l'Eglise est condition de l'Eucharistie, et l'unité dans l'Eglise condition de la communion eucharistique, il ne peut y avoir "intercommunion"... Pour finir, l'Orthodoxie ne pratique pas, hors de la liturgie, le culte des éléments consacrés comme cela peut se constater dans le Catholicisme, avec l'exposition de l'hostie, la bénédiction donnée avec celle-ci, l'adoration des hosties réservées...
- Les catholiques croient au Purgatoire, alors que les orthodoxes n'affirment que l'existence de l'Enfer et du Paradis: il y a le respect des Pères, qui affirment qu'il faut s'en tenir au dépôt de la foi, sans rien ajouter ni retrancher. Au contraire donc des catholiques, qui estiment que l'Église devrait évoluer pour parfaire l'intelligence qu'elle a des dogmes.
- La théologie et la spiritualité de l'Orthodoxie est avant tout apophatique, tandis que dans le Catholicisme, la place de la scolastique est première et prépondérante. D'ailleurs le thomisme reste la philosophie officielle du Catholicisme.
- L'Église Orthodoxe ne compte pas les sacrements comme l'a fait, le premier, Pierre Lombard au XIIe siècle. Limiter à sept les sacrements, c'est restreindre la puissance du Saint Esprit au nom d'une philosophie toute humaine. Le cosmisme de l'Orthodoxie conduit à affirmer qu'en fait il y a un nombre infini de sacrements, qui n'agissent pas automatiquement (pas de croyance dans l'
ex opere operato des catholiques, et de par celà, l'épiclèse revêt toute sa valeur dans la liturgie orthodoxe).
- Le chrétien orthodoxe croit et confesse que le mystère de l'Eucharistie s'accomplit non par les seules paroles de l'Institution et par leur vertue propre proférée par le prêtre
in persona Christi comme chez les catholiques, mais par tout l'ensemble de la prière eucharistique par la force, l'effet et la grâce du St Esprit. Il n'y a pas de "vice-Christ".
- Entre Catholicisme et Orthodoxie, il y a trois différences majeures pour ce qui concerne la Vierge:
. Les orthodoxes croient en la Dormition de la Vierge (seule son âme a été recueillie par Jésus à sa mort), tandis que les catholiques croient plutôt en l'Assomption (non seulement son âme, mais aussi son corps). Le dogme de l'Assomption insinue l'idée que la Vierge serait montée de la terre au ciel avec son corps sans passer par la mort. Autrement est la tradition ancienne de l'Église Orthodoxe, qui parle de Dormition, avec l'arrière-plan que la Mère de Dieu est morte et ressuscitée avant de monter au ciel. Pour compléter, sa tombe est située clairement à Jérusalem, alors que les catholiques malheureusement envisagent d'avantage Ephèse, selon une tradition beaucoup moins ancienne que celle de l'Église Orthodoxe...
. Pour plusieurs raisons théologiques, l'Orthodoxie ne dit pas que la Vierge a été préservée du péché originel, mais qu'elle a été victorieuse du péché. Donc l'Eglise orthodoxe a rejeté le dogme de l'Immaculé Conception, qui considère Marie comme préservée du péché originel, lot de la descendance d'Adam. En plaçant ainsi la Vierge à part, en l'enlevant au destin commun de toute l'humanité, ce dogme offre une possibilité de libération du péché originel avant la croix et donc par le seul moyen de la grâce. Dans ce cas, pour que la Rédemption eût lieu, il fallait que cette même croix exista déjà, que la Vierge jouisse de son effet avant terme. Ce qui est incompréhensible pour la pensée des Pères grecs, car cela remet alors en cause tout le plan de salut après la chute. Si en effet le Fils de Dieu avait assumé la nature humaine d'une mère qui n'aurait pas hérité du péché originel, il n'aurait pas assumé
de facto la nature humaine déchue du commun des mortels pour ensuite la transfigurer, la ressusciter, l'exalter et la sauver... Car rappelons le, la chair du Christ vient de sa mère Marie... Dès lors le Christ ne peut être l'unique Sauveur de toute l'humanité, y compris de la Vierge. De même, l'acceptation de la volonté divine par la Vierge lors de l'Annonciation ne peut plus se faire au nom de toute l'humanité, puisqu'elle se trouve hors de la condition du monde déchu, n'ayant plus à attendre le salut avec le reste des hommes du fait des conditions de sa conception. Pour finir, si la Mère de Dieu était sans péché originel, comment a-t-elle pu mourir? Dire qu'elle serait morte volontairement serait faire d'elle un second Sauveur...
. Les orthodoxes affirment, dans le respect de la Tradition, que c'est la Vierge qui couronne le Christ, et non pas l'inverse comme chez les catholiques, suite à une innovation iconographique remontant au XIIe siècle. En affirmant ce point de vue, c'est toute une compréhension théologique de la conception du Christ dans la virginité de Marie qui est défendue...
- Le
Filioque a permis l'élaboration de ce qu'on appelé l'
augustinisme, ce qui a fait aussi que la compréhension du péché originel est différente entre catholiques et orthodoxes; pour ces derniers, le salut est le don gratuit de Dieu, mais l'homme créé libre et responsable de ses actes, peut et doit collaborer avec Dieu dans l'œuvre de salut. Les catholiques ont une vision plus restreinte, avec une conception de la prédestination en rapport... D'où également une compréhension du baptême différente entre ces deux églises, puisque le péché originel n'est pas interprêté pareillement selon l'Orthodoxie et le Catholicisme.
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