Christine Bard : Il traduit l’idée de la perte du pouvoir. Une vieille histoire. Des hommes énervés qui avaient le sentiment d’être dévirilisés et d’avoir perdu leurs privilèges, il y en avait déjà beaucoup au XIXe siècle alors que les femmes étaient opprimées par le Code civil et privées de citoyenneté !
Toutes les avancées de la cause des femmes provoquent de la colère et réactivent des plaintes très répétitives. Nous sommes pourtant encore loin de l’égalité réelle, mais la ruse des antiféministes est de prétendre que non seulement l’égalité a été réalisée mais que le rapport de pouvoir s’est inversé au détriment des hommes. Le fantasme de la femme dominatrice, toute-puissante, fatale, hante l’imaginaire antiféministe depuis très longtemps.
Est-ce que ces réactions s’accentuent du fait que le féminisme est de plus en plus présent dans les médias ?
Laélia Véron : Tout à fait. C’est quelque chose que nous avons senti au moment de « Balance ton porc » et de « Me Too ». Il y avait une libération de la parole comme jamais, la question de la domination masculine, de l’oppression vécue par les femmes était au premier plan, mais nous pressentions que le retour de bâton allait être violent. Cela a été le cas rapidement, quand on a accusé les femmes d’aller trop loin, et que certains se sont permis les comparaisons les plus insultantes, comme la comparaison entre le fait de dénoncer les « porcs » et les dénonciations des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale…
Valentine Leroy : En termes de quantité, je pense qu’il y a de moins en moins de masculinistes. C’est en matière d’« audimat », qu’ils se rattrapent. Entre les réseaux sociaux, où leurs interventions provoquent généralement des polémiques, et les tribunes qui leur sont accordées dans les médias, on ne risque pas de cesser d’entendre leurs discours. Ce que je redoute, c’est la réaction de ces hommes en face-à-face. Leur haine des femmes est si forte, c’en est parfois vraiment glaçant.
Avec ce genre de spot de publicité, peut-on justement parler d’une démocratisation du féminisme ?
Laélia Véron : On parle davantage de ces sujets, c’est certain, et cette publicité est très encourageante. Mais en même temps, nous devons prendre garde à ce que ne soit pas qu’un « feminism washing » comme on dit, soit un discours marketing, soit un discours de façade. D’abord, il faudrait faire preuve de cohérence, certaines personnes n’hésitent pas à se dire féministes quand ça les arrange (notamment quand cela permet de taper sur les Arabes et les musulmans par exemple) mais laissent de côté leur féminisme quand cela remet un peu trop leurs habitudes et leurs conforts en question.
Ensuite, le féminisme ne doit pas devenir un discours marketing, ou rester un vœu pieu. Le féminisme n’implique pas seulement un changement des mentalités, hommes ou femmes (comme le montre la pub Gillette) mais un changement de système, qui ne peut être que collectif et politique.
Si quelqu'un peut me traduire cette vidéo, ce serait sympa.