Pour nous la justice est d’abord conçue depuis un endroit sans égocentrisme. Voilà la notion importante, sans égocentrisme. Pour nous la justice va être quelque chose qui ne va pas chercher à se protéger elle-même, qui ne va pas chercher à me protéger moi-même.
La justice va être au contraire un mouvement de liberté qui va simplement faire le poids et la mesure de ce qui est fait, pensé et dit, et qui va chaque fois redéterminer les événements par rapport à ces mesures qui ont été prises.
Vous, vous appelez cela le karma, pour nous c’est une question de miroir, tout simplement. Vous faites quelque chose de blanc, le miroir renvoie du blanc. Vous faites quelque chose de noir, le miroir renvoie du noir.
Personne, depuis une conception de bien ou de mal, va juger un acte. La justice n’est pas un acte de jugement. Sur la terre la justice est rendue par un tribunal.
On fait référence à des lois et d’après ces lois on juge si l’homme est bon ou mauvais, s’il a droit à des circonstances atténuantes ou pas. Au ciel il n’y a rien de cela, le miroir fait reflet instantanément.
Mais il faut savoir que le miroir a plusieurs profondeurs.
Il y a un miroir dont je dirais qu’il a un impact instantané, c’est-à-dire que si maintenant vous frappez votre voisin, votre voisin va vous rendre votre gifle.
Puis il y a, plus vers le centre du miroir, une zone d’action différée. C’est-à-dire qu’un certain nombre d’actions, de pensées, de comportements vont se refléter dans cette deuxième bande et ne vont pouvoir être projetées de nouveau vers l’homme que dans un certain temps, le temps qu’il lui faudra pour revenir depuis cette zone de miroir d’ailleurs.
Puis, il y a une troisième zone tout au centre du miroir qui est une zone profonde. C’est ce que l’on appelle véritablement le karma que l’on colporte de vie en vie.
Ce n’est plus un karma que l’on retrouve demain ou dans dix ans, c’est un karma que l’on retrouvera dans la prochaine vie.
Et avec ces trois mesures la justice n’effectue non pas sa justice, mais son éducation. C’est complètement différent. Lorsqu’un homme entend dire qu’un tel s’est fait assassiner, immédiatement l’homme veut la justice, il veut que l’assassin soit puni et parfois le paie de sa vie. Œil pour œil, dent pour dent.
Je ne veux pas féliciter les assassins du monde, pas plus que je cherche à minimiser leurs crimes, je parle au niveau des conceptions et des émotions qui sont soulevées par vos conceptions. Lorsqu’un homme assassine, du point de vue de la justice divine, il n’est pas question de faire un jugement comme vous jugeriez quelqu’un qui a donné la mort.
Du point de vue de la justice divine, c’est tout simplement la mort qui lui est renvoyée. On ne cherche pas à savoir si c’est horrible, si c’est mal ce qu’il a fait, si c’est un acte que l’on ne peut pas accepter. Rien de tout cela n’est éprouvé dans la justice divine. Il y a simplement un couteau qui s’est levé contre un homme, alors un couteau se lèvera contre celui qui a levé le couteau.
Si les hommes pensaient un peu plus de cette manière-là, ils arriveraient à faire régner d’avantage de justice auquel ils aspirent. Pourquoi ?
Tout simplement parce que l’émotion serait réduite. L’émotion étant réduite, le juge humain ne commettrait pas lui-même de karma émotionnel vis-à-vis de l’assassin et de l’assassiné.
Car sitôt qu’un spectateur se met à éprouver de la répulsion, du dégoût, de l’horreur vis-à-vis de l’acte, il se met lui-même dans une résonance et il contracte par là même une forme de karma, le karma de son émotion et de sa conception vis-à-vis du bien, vis-à-vis du mal et vis-à-vis de la terre entière et de l’incarnation.
Ce qui fait que la justice divine devient très compliquée parce qu’il ne s’agit pas de juger simplement un assassin et un assassiné, mais aussi un spectateur qui se trouve dans toutes sortes d’émotions, de conceptions et de révoltes.
Pour que l’assassin et l’assassiné règlent leur compte plus vite et pour que cette justice s’effectue vraiment et plus radicalement comme l’homme le souhaite, il faut que l’homme ne juge pas l’homme et que surtout il ne dégage pas toutes ces émotions dans lesquelles il se laisse entraîner.
Alors, comment faire régner la justice, comment prendre soin de la ville, de la vie des autres gens, parce qu’il faut bien prendre soin de la sécurité d’une société ?
Bien sûr. Je te dis simplement fais régner les mêmes articles de lois, édicte les mêmes jugements vis-à-vis des mêmes assassins et des mêmes assassinés, mais pour toi-même. Ne te commets pas dans l’émotion, dans cette révolte, dans cette peur. Reste à part, non pas comme si cela ne te concernait pas.
Il y a une grande différence entre ne pas entrer dans l’horreur d’un geste, dans l’émotion suscitée par un geste et ne pas se soucier d’un geste.
Il y a une subtile différence et là est l’endroit de la spiritualité. Lorsque l’homme découvre cette subtile différence, alors on peut dire qu’il a découvert la spiritualité.
Quelle est donc cette notion difficile si subtile qui permet à l’homme de ne pas être révolté, dégoûté face à un assassinat, tout en ne basculant pas dans l’indifférence, qui est de se laver les mains ?
Toute la différence c’est l’émotion. Vous pouvez tout autant vous sentir concernés et responsable de la vie, de la sécurité de vos voisins, de toute une cité et le faire avec un énorme sens du devoir, jusqu’à y perdre votre vie même, sans qu’il y ait jamais l’ombre d’une émotion qui tombe vers le bas, qui tombe vers l’anxiété, vers la révolte, vers le dégoût, vers la peine vis-à-vis de l’assassiné, la colère vis-à-vis de l’assassin.