Molière et Pézenas, une histoire d'amour et de mémoire
A partir de 1647, à peine âgé de 25 ans, le jeune Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, va sillonner les routes du Languedoc avec sa troupe l'Illustre Théâtre. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas forcément. Un jour la recette est bonne et l'on peut festoyer, le lendemain, on a à peine de quoi manger. Ce sont des années d'apprentissage pour les comédiens.
Molière devient directeur de la troupe, il perfectionne son jeu d'acteur comique et renonce à jouer la tragédie. 1650 marque un tournant dans la vie des comédiens, les Etats Généraux de Languedoc se tiennent à Pézenas et l'on fait venir l'Illustre Théâtre pour divertir ces messieurs des Etats. Cela assure aux comédiens pendant plusieurs mois un revenu appréciable. A trois reprises, 1650, 1653, 1655, les Etats feront appel à l'Illustre Théâtre pour leurs sessions de Pézenas.
Molière commence à écrire ses premières pièces à Lyon et à Béziers, « Le médecin volant », « L'Etourdi », « La Jalousie du Barbouillé », qui ne sont pas des œuvres majeures de l'auteur, mais marquent ses premières tentatives en tant que dramaturge. En 1653, un événement considérable touche le Languedoc : l'installation d'Armand de Bourbon, Prince de Conti, à Pézenas, dans sa demeure ancestrale de la Grange des Prés.
Une cour fastueuse va graviter autour de ce prince libertin, grand amateur de femmes, d'art et de théâtre. Il demande à son secrétaire de lui trouver des comédiens pour le divertir. Ayant des vues sur Thérèse Gorla du Parc, dite Marquise, le secrétaire du prince demande à Molière de venir se produire à Pézenas. Il s'en fallut de peu que l'Illustre Théâtre ne soit supplanté par la troupe de Cormier, mais après quelques péripéties, celle de Molière fut préférée. Une ère de prospérité s'ouvre pour la troupe pendant plus de trois ans. La faveur du prince et ses libéralités garantissent à la troupe une certaine aisance. Hélas : « Inconstants sont les grands de ce monde ! », le prince traverse une profonde crise mystique et le libertin se transforme en dévot, sur les conseils de son confesseur l'abbé Rouquette. C'est la fin de la protection du prince et les comédiens décident de tenter à nouveau leur chance à Paris. 1658 marque leur retour dans la capitale et le début de la faveur de Louis XIV.
C'est du Languedoc, et plus particulièrement de Pézenas, que Molière va puiser l'inspiration de quelques-unes de ses pièces célèbres : Dom Juan ou le Festin de Pierre, dépeignant le Prince de Conti, Tartufe prenant les traits de l'Abbé Rouquette, La Comtesse d'Escarbagnas, caricaturant l'aristocratie provinciale. Quand Molière tombe dans l'oubli, après sa mort, c'est à Pézenas que va se rallumer la flamme du souvenir et le grand courant molièriste du XIXème siècle. C'est à Pézenas encore que va se dresser un monument à Molière financé par souscription nationale. A Pézenas toujours que l'on commémore la mort de l'auteur, que la Comédie Française vient lui rendre hommage.
Cette mémoire cultivée par les Piscénois est encore vivace et marque les actions culturelles de la ville. Un partenariat avec l'Education Nationale a permis de mettre en place en 1994 le centre de ressources Molière, qui propose des classes du patrimoine sur Molière, le XVIIème siècle et le théâtre. Il existe à Pézenas une section A3 Théâtre et à Béziers une licence professionnelle théâtre. Une école de costume de théâtre s'est tout récemment implantée à Pézenas et forme les costumières de demain. En 1994, une Maison des Métiers d'Art a vu le jour et ses objectifs sont de valoriser les métiers de la rénovation du patrimoine, métiers du bois, du fer et de la pierre et les métiers du théâtre.