Je copie ici un article de Sylvain Poirier, donc le site est excellent (
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L'alternative au nihilisme et les conversions "miraculeuses".
Il arrive souvent que les chrétiens fassent leur apologie sous forme d'une critique de la partie adverse, en particulier du matérialisme athée. Ils ont beau jeu alors de décrire le grand vide par rapport à la mort, l'absence de transcendance et de véritable sens de la vie auxquels ces gens adhèrent, ainsi qu'un vague relativisme assimilé à une absence de fondement solide aux valeurs morales. C'est clair (superficiellement), la littérature évangélique se plaît à en dresser le sombre portrait : ces gens passent à côté du sens de la vie, ils errent comme des ombres dans le néant et ne savent pas où ils vont, sur cette terre et dans l'éternité.
Ainsi la foi chrétienne se présente comme la seule alternative viable au nihilisme, la seule religion qui offre une sens à la vie, la perspective d'une transcendance, d'un Dieu qui dépasse les forces humaines et nous guide vers la vie éternelle (et aussi pendant qu'on y est, religion qui prêche l'amour envers le prochain). Il est facile pour cela de balayer les quelques malheureuses religions concurrentes en présence, le judaïsme pour son caractère incomplet par rapport au christianisme, ainsi que l'Islam de par sa mauvaise réputation de fanatisme, sa haine des infidèles et les pratiques absurdement rigoureuses qu'elle promeut, l'absence de la valeur du pardon de Dieu ou autres.
Il semble ainsi n'y avoir qu'un moyen plausible de donner un sens à sa vie, un seul échappatoire viable aux divers degrés de nihilisme qui planent sur le monde actuel: adopter la foi chrétienne.
Ceux qui élèvent leur voix contre cela sont le plus souvent des matérialistes athées, cherchant à montrer que Dieu n'existe pas ou que du moins on ne peut pas le savoir et que les raisons d'y croire sont fausses.
Mais s'ils le font, c'est parce qu'ils ne leur est pas arrivé de saisir l'intuition métaphysique de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'âme. En voulant réfuter ce point, ils se trompent de cible.
Au Foyer Evangélique Universitaire de Grenoble, j'ai connu un gars qui était devenu chrétien parce qu'étant athée il était venu là pour argumenter avec les chrétiens et essayer de leur faire perdre leur foi. Mais à force d'argumentations et d'études bibliques, c'est lui qui s'était finalement fait convertir.
Je ne vois là rien d'étonnant. Quand on n'a pas compris l'existence de Dieu et l'existence d'une vie apres la mort et qu'un beau jour on comprend, cela peut sembler une découverte fantastique, faisant vasciller toutes les résistances qu'on pouvait avoir auparavant contre le christianisme. Cela engendre subitement un besoin de Dieu, d'en savoir plus, et, face aux interrogations profondes, au malaise ci-dessus expliqué se révélant brusquement en conséquence de cette découverte, il est tentant d'adopter les réponses proposées. La nature a horreur du vide.
Et tout cela, parce qu'il n'y a pas de mouvements significatifs de gens qui élèvent la voix pour les contredire et proposer de meilleures réponses à ces questions sur le sens de la vie, une fois les principes métaphysiques établis. Dans le jargon économique, ce genre de phénomène s'appelle une situation de quasi monopole ou de position dominante : les religions établies règnent sur une grande partie de la population croyant en Dieu et en quête de vérités spirituelles essentielles, faute de concurrence sérieuse et viable. On peut également comparer cela au phénomène qui se retrouve un peu partout ailleurs, comme en politique où le programme de la droite est de faire barrage à la gauche et réciproquement: on excuse facilement sa propre bêtise en attirant l'attention sur la bêtise de l'opposant pour le discréditer. Il suffit qu'on ait raison sur une chose à la différence de l'autre, pour qu'en attirant l'attention dessus on parvienne à convaincre. Ainsi la foi chrétienne prend prétexte de sa juste conscience des vérités métaphysiques pour parader devant ceux qui l'ont également saisie et discréditer ceux qui ont cru bon de s'y opposer, lesquels le font au nom de leur opposion à toutes les méthodes de pensée manifestement perverses, infondées, abusives et intellectuellement malhonnêtes des chrétiens dont ces vérités sont le symbole.
Bien sûr, on pourrait répondre qu'il y a en fait beaucoup de concurrence, toutes les sectes qui pullulent à droite et à gauche. Et bien sûr, ce n'est pas une bonne réponse dans la mesure où ces concurrents sont le plus souvent pires que les grandes religions en place. Du moins peut-on remarquer que leur présence peut s'interpréter comme l'expression d'un manque, une insatisfaction par rapport aux religions en place. L'expression d'un signal de détresse d'un certain nombre de gens pour qui la société ambiante, religions comprises, semble froide et vide de sens. L'expression d'une interrogation légitime sous la forme d'un élan vers d'autres réponses, qui à défaut d'être meilleures, sont du moins l'occasion d'exercer leur élan vers une recherche d'un nouveau sens et leur dépit face au monde actuel.
Avant d'aller plus loin, voici deux remarques supplémentaires à l'appui de la position qui vient d'être énoncée.
- Face aux chrétiens qui pensent que tout va bien comme ça et qu'on aurait tort de ne pas se satisfaire de l'Eglise parce que tout cela a été ainsi voulu par Dieu qui n'aurait pas la cruauté de nous priver de ce dont nous avons besoin: qu'auriez-vous pu dire si vous étiez né avant l'époque chrétienne, ou dans une autre peuplade qui n'aurait pas entendu parler du christianisme ? La reconnaissance d'un tel désarroi, abandon par Dieu et manque de voies spirituelles nécessaires à l'épanouissement de l'âme languissant de l'attente désespérée d'une génération future qui pourrait enfin amorcer une véritable marche vers Dieu, n'aurait-elle pas été une attitude légitime ? Pourquoi donc cette attitude devrait-elle alors être proscrite de nos jours ?
- A l'inverse, nombreux sont les individus qui estiment qu'il n'y a pas lieu de désirer quelque forme d'organisation ou d'enseignement que ce soit de type religieux, parce que la vraie démarche spirituelle serait une démarche individuelle indépendante. On peut effectivement défendre que dans les circonstances actuelles ce soit pour l'individu une des meilleures voies possibles. Je pense que, même si dans l'idéal cela peut être effectivement le mieux pour certains, il n'en est pas de même pour tous. Notamment, le besoin de développer l'amour et la solidarité, les besoins de ceux qui se sentent seuls et manquent de repères, nous montrent les limites des démarches spirituelles individuelles.
Ainsi, le christianisme exploite sa position dominante dans l'espace des doctrines et pratiques religieuses disponibles, d'une part de manière passive en récupérant les gens qui croyant en Dieu cherchent un sens à leur vie respectant Sa volonté et ne trouvent pas de meilleure communauté (comme cela été mon cas: j'étais devenu chrétien faute de connaître des critiques viables de ce choix et une meilleure solution), d'autre part de manière active en tentant de se justifier par la proclamation de l'inexistence d'une vérité viable en dehors d'eux.
Cohérence "miraculeuse" et élégance théorique
Un propos que j'ai pu entendre à l'appui de l'idée que la Bible est la Parole de Dieu, est que son contenu serait magnifique et ses parties se complèteraient les unes les autres harmonieusement et miraculeusement, d'une manière que seul Dieu était capable d'élaborer, montrant ainsi que cela ne pouvait pas être une oeuvre humaine. Ayant ensuite lu personnellement la Bible, cela m'a semblé parfois très beau, et j'ai entendu d'autres chrétiens dire qu'en la relisant à nouveau, ils en tiraient encore de nouveaux enseignements qu'ils n'avaient pas saisi d'abord. Mais finalement je ne partage pas cette impression. Du moins en proportion de l'investissement fourni pour lire quelque chose d'aussi épais. Je pense qu'il doit y avoir une part de conditionnement là-dedans, du fait qu'on vous explique que c'est la Parole de Dieu, du coup vous faites une fixation dessus et vous vivez dedans, alors à chaque fois que vous trouvez une inspiration vous pensez que cela vient de là.
Mais en matière d'élégance conceptuelle et d'harmonie de l'ensemble, là encore je dirais que cela relève d'un abus de position dominante. Les gens ne sont pas familiers avec les belles théories du style qu'on rencontre en mathématiques pures ou en physique théorique. Le monde est dominé par la médiocrité, c'est pourquoi tout ce qui semble s'élever un peu au-dessus de la simple médiocrité n'a pas de mal à sembler fantastique et exceptionnel. Mais ici, il n'est pas si etonnant que cela que les livres de la Bible aient une coherence entre eux, puisque l'auteur de chaque livre baignait dans la culture des livres precedent, et tous ces livres ont ete selectionnes et rassembles en fonction des memes criteres. Mais la veritable coherence de tout cela vient de son efficacite a convaincre. C'est logique: sans aucune coherence, cela n'aurait pas ete cru par tant de gens et cela aurait disparu. Donc nous ne pouvons recevoir ce qui a ete cru, et qui donc evidemment parait credible.
Finalement, je ne trouve pas cela vraiment harmonieux. Cela n'a pas pu apporter de réponses à mes problèmes, et l'expérience de la vie m'a amené progressivement à trouver un certain nombre de points de doctrine choquants et absurdes. Finalement, je dirais que s'il y a de l'harmonie dans la Bible, cela ressemble plutôt à l'harmonie d'une chanson provenant de sa mélodie, aidant à en faire avaler en douceur les paroles malgré leur absurdité. D'ailleurs, s'il y a tant de sectes qui éprouvent le besoin de dire que la Bible n'est pas complète ni satisfaisante et qu'il y a besoin de l'interpréter ou de la compléter par une nouvelle révélation, ce n'est à mon avis pas pour des prunes.
Mais quelque part, l'eventuelle reelle coherence interne de la Bible n'est pas ce qui contribue le plus a faire dire aux gens qu'elle est coherente. En fait, les gens ne s'interessent pas vraiment a la coherence, ce serait trop complique pour eux. Tout ce qui les interesse, c'est de croire un livre qui se pretend de Dieu afin de s'epargner la peine de penser par eux-memes et de prendre leur responsabilite. Du moment que Dieu dit quelque chose, ou simplement qu'on a de bons pretextes de croire que c'est Dieu qui le dit, alors tout va beaucoup mieux: il nous suffit de tenter de le suivre pour pouvoir tranquillement cesser de reflechir et nous laver les mains de toutes nos decisions a venir. C'est tellement plus pratique de se dire qu'on suit la volonte de Dieu suivant des regles simples, plutot que de partir a la recherche de notre vraie mission dans toute sa complexite. A partir de la, c'est tres simple: on peut se permettre de proclamer que c'est coherent, puisque c'est de Dieu, qu'une parole de Dieu devrait etre coherente, et qu'accuser Dieu de dire des choses incoherentes serait lui faire injure; pas la peine de s'attacher a l'evaluer serieusement. Des lors, on peut aussi bien proclamer a tort et a travers que ceux qui ne sont pas d'accord se trompent ou ne l'ont pas comprise, puisqu'une coherence n'apparait que quand on la comprend, et que ceux qui ne sont pas d'accord doivent ne l'avoir pas comprise. Ainsi, il est trop facile de dire qu'il n'y a pas d'autre livre plus celebre que celui-la qui se presente comme oeuvre humaine: non seulement faire "un gros livre" de plusieurs auteurs serait une tache collossale qui necessiterait une forme d'organisation et de mise en coherence (ce que les esprits libres font moins facilement que les moutons), mais meme si des gens le faisaient, on ne serait probablement pas au courant faute de lecteurs fanatiques pour y adherer et evangeliser le monde a ce qui aurait l'honnetete de se presenter comme une simple oeuvre humaine.
Enfin, la lecture des témoignages d'expériences de mort imminente et la morale qui s'en dégage me semblent rayonner une passion, une harmonie supérieure à ce que j'ai retenu des lectures bibliques, même si des mystères demeurent.
Que faire ?
Ayant ainsi exposé le problème, on est ainsi amené face à la question: que faire ? A quoi pourrait bien ressembler cette religion véritable qui manque à notre monde, qui en fasse quelque chose de vraiment meilleur que n'importe quelle secte ?
Quelques pistes de réflexion:
- Cela est loin d'être simple, c'est toute une civilisation qui serait à inventer et à bâtir. Cela ne peut être l'oeuvre d'un seul homme.
- On peut chercher ce qu'il y a de positif dans les différentes religions et spiritualités existantes
- Ce travail d'élaboration à accomplir est vaste; raison de plus pour s'y atteler chacun suivant ses moyens et son inspiration sans attendre nécessairement pour cela une nouvelle révélation du St Esprit.
- Il s'agirait d'un travail ouvert et multidisciplinaire, ouvrant de nouvelles possibilités et n'en fermant pas, permettant à chacun de s'épanouir et éventuellement de spécialiser dans les questions et les activités qui l'intéressent et éventuellement y créer de nouveaux développements. En essayant aussi de ne pas perdre de vue l'idée d'une complémentarité organique entre les différentes spécialités pour s'enrichir les uns les autres.
- Développer la philosophie, en essayant notamment de ne pas l'enfermer dans un carcan académique mais d'aboutir à des idées pouvant ouvrir à de nouveaux états d'esprit, projets et possibilités face à d'autres problèmes de la vie.
Personnellement dans le peu que je connais, le livre de Neale Donald Walsch me semble un bon point de départ possible à la réflexion, même s'il y a quelques points très discutables.
- Faire des enquêtes et des études sur les difficultés des gens, les différents courants religieux ou autres et leur impact sur le bonheur des gens, leur évolution spirituelle et de leurs conceptions, leurs éventuels revirements, voire les causes de suicide; chercher à développer des méthodologies adaptées.
- Continuer et soutenir les enquêtes sur les expériences de mort imminentes et autres expériences connexes. Ne pas proner ni diaboliser quelque expérience particulière que ce soit, laissant chaque individu libre de ses opinions et de sa recherche spirituelle personnelle et compilant quelque part ses résultats avec neutralité pour servir de matière objective à d'éventuels débats théologiques sur le bien-fondé ou le caractère bénéfique de telle ou telle approche. L'initiative de Iands-France de créer un "comité des expérienceurs" me semble intéressante (voir leur site pour les détails).
- Au lieu d'une Bible prétendument inspirée par Dieu, pour ceux qui ont besoin de lecture, on pourra faire des livres écrits humainement, déclarés comme tels et suivant des méthodologies bien précisées. Des études ouvertes aux développements, emplissant des bibliothèques, structurées suivant des classifications efficaces pour les différents besoins.
- A l'usage des fans de chants religieux: reprendre les bonnes musiques religieuses, les beaux chants, revoir leurs textes ou s'en inspirer pour en faire de nouveaux, dresser ainsi des répertoires de chants ne laissant passer aucune des idées fausses qui hantent la religion actuelle. A la place, y développer des idées plus sensées, susceptibles de porter de meilleurs fruits.
- Sans oublier bien sûr les oeuvres de charité (à aborder elles aussi suivant des méthodologies ouvertes aux études et développements; à moins qu'un bouleversement politique permette de traiter le problème indépendamment, sans plus avoir besoin pour cela de consommer de l'énergie religieuse).
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