Compagnon Professeur
Nombre de messages : 609 Age : 49 Localisation : Nanterre Date d'inscription : 17/12/2016
| Sujet: COMMENT DIEU EST DEVENU DIEU Sam 17 Déc 2016 - 17:55 | |
| Le monde des religions
Hélène Bourg - publié le 13/02/2015
En traquant les croyances des populations préhistoriques à partir de vestiges, d’objets symboliques ou de représentations iconographiques, les archéologues ont esquissé l’émergence progressive, au fil des millénaires, d’une pensée tournée vers la spiritualité. L'ouverture de Lascaux IV est l'occasion d'approcher la naissance de cet esprit. Avant l’apparition des dieux.
Le processus d’hominisation – qui a vu l’évolution des primates en humains – s’est déroulé sur des millions d’années. Des hominidés se redressent, deviennent bipèdes, défient les lois biologiques en utilisant et fabriquant des outils, témoignent d’une organisation sociale sophistiquée, s’étendent sur des territoires de plus en plus lointains, découvrent et s’adaptent à des milieux variés, complexifient leurs systèmes techniques, les transmettent à d’autres groupes, et redoublent encore d’audace en maîtrisant, puis en domestiquant, le feu… De notre XXIe siècle, nous observons ces enchaînements, à la fois biologiques et culturels, et guettons cet instant où l’on pourra affirmer que l’hominidé est devenu Homme. Ou encore : que cet homme est pétri de spiritualité. Mais les critères de cette humanité restent flous, les traces fugaces et les préjugés idéologiques tenaces. Si certains voient dans cette succession d’étapes une formation progressive de l’Esprit, d’autres affirment que c’est cet Esprit même qui a été le moteur de toute l’évolution.
Une attention accordée au défunt
Plutôt que chercher d’emblée des traces de préoccupations «spirituelles», avec tous les préjugés que cela sous-tend, les préhistoriens sont donc amenés à privilégier d’abord, en toute objectivité, des préoccupations dépassant les strictes nécessités liées à la vie quotidienne.
À partir de l’Homo erectus (1,5 million – 300 000 ans avant le présent), des traces troublantes commencent à être manifestes tels des colorants, des traits gravés sur des os, des cupules* ou quelques ébauches de figurines… jusqu’à cette accumulation étonnante, et encore discutée, d’une trentaine de squelettes humains (datés de 500 000 ans environ) au fond d’un puits naturel sur le site de la Sima de Los Huesos, à Atapuerca (Espagne). Mais l’émergence de la spiritualité, qui passe notamment par une prise de conscience de la mort, semble plus récente et ne présente des signes irréfutables qu’après 150 000 ans.
Avec l’Homme de Neandertal et l’Homme moderne, en Europe et au Proche-Orient, les exemples d’inhumations se multiplient. Ainsi, les sites de Skhul et Qafzeh en Israël (entre 130 000 et 100 000 ans), Regourdou et Roc de Marsal en France (70 000 ans)… L’intention de protéger le défunt et de maintenir son intégrité est alors manifeste, et une série de gestes cérémoniels précédant l’inhumation se devine. Toutefois, aucune norme ne peut être mise en évidence, si ce n’est la proximité des sépultures avec le lieu de vie. Ni la nature du site, ni la disposition, l’orientation et le recouvrement des corps, ni le mobilier funéraire ne permettent d’isoler des constantes et, a fortiori, d’authentifier une pratique généralisée et une croyance commune en un éventuel au-delà.
Ce n’est que beaucoup plus tard, au Paléolithique supérieur, à l’époque du Gravettien* (30 000-22 000 avant le présent), que des changements significatifs se produisent. L’ocre rouge devient omniprésent dans les sépultures et les dépôts funéraires se multiplient, offrant une grande variété : quartiers de viande, objets travaillés, coquillages perforés, éléments de parure sont autant d’éléments qui rendent compte d’un langage symbolique de plus en plus complexe, une diversification des usages établis à l’égard des morts, voire de nouvelles préoccupations spirituelles. Le rôle éminemment social de telles pratiques n’en est, lui, que plus marqué.
De la spiritualité à la religion ?
Ainsi se détache une nouvelle conscience : la pensée de l’Homme ne se limite plus aux nécessités matérielles quotidiennes exigées par la quête de nourriture, la reproduction et la survie. Une distanciation s’est manifestée. Avec la prise de conscience de la mort, l’Homme s’interroge-t-il sur le monde qui l’entoure et sur la place qu’il y occupe ? Recherche-t-il une réalité autre que celle que ses sens lui font percevoir et à laquelle il a toujours réagi instinctivement ? Une religion permettant d’organiser cette spiritualité naissante lui est-elle directement liée ? Dès que le sens du monde a été établi, des règles de conduite sont certainement apparues pour maintenir l’identité et l’unité du groupe, pour s’assurer de meilleures chances de survie, aussi.
À partir de 35 000 ans environ, l’art pariétal – figurant sur les parois des grottes – du Paléolithique supérieur, attribué aux Hommes modernes, nous offre les premières bribes d’une représentation symbolique du monde. Plus de 90 % des représentations sont consacrées à la faune de l’époque, consommée ou non : chevaux, bisons, mammouths, bouquetins, aurochs, ours, félins, oiseaux, poissons et pingouins ornent les parois des grottes profondes, avec des détails d’une minutie remarquable. Par comparaison, les quelques rares représentations humaines, souvent hybrides (mi-homme, mi-animal), et somme toute assez sommaires, tranchent par leur facture et leur isolement. On en trouve un bel exemple au Puits de Lascaux, avec une scène probablement peinte vers – 17 000 et qui présente un homme à la tête d’oiseau (peut-être s’agit-il d’un masque), mis à terre par un bison. De nombreuses empreintes de mains et signes divers tels les vulves, les claviformes (formes de massue) et autres figures géométriques complètent l’ensemble.
Serait-ce des détails de mythes ou d’histoires sacrées que des générations d’artistes nous auraient légués ? Si le paysage est absent et la mise en scène inexistante, l’essentiel semble en tout cas posé, avec des formes qui offrent un surcroît de réalité et de permanence. La nature sauvage y est omniprésente et omnipotente. Les chasseurs-cueilleurs qui lui sont inféodés ne pouvaient mieux illustrer leur rapport de dépendance, de respect, voire de crainte à son égard.
Dans la pénombre des grottes ornées
Expliquer cet art par une simple recherche esthétique ou des pratiques magiques censées favoriser la fécondité et la chasse, comme cela a été jadis proposé, ne peut par conséquent que réduire sa puissance évocatrice.
La profondeur souterraine de ces grottes ne pouvait que renforcer la relation mystique entretenue avec les thèmes choisis, les compositions monumentales, les réduits ornés, la résonance sonore et les signes ponctuant le parcours. Chacun de ces éléments a dû participer à la sacralité de cet art, de même que les reliefs et accidents naturels des parois qui sont exploités et semblent « appeler les figures ». Mais si tout tend à faire de ces grottes des lieux privilégiés, il est plus hasardeux d’y voir des sanctuaires dans l’antre desquels étaient organisées des cérémonies et, encore davantage, des lieux où des hommes providentiels communiquaient avec les forces naturelles. De cette théorie chamanique, on préfèrera celle, plus réservée, de l’existence d’un monde invisible et mystérieux, où auraient pu se jouer des influences, bonnes ou mauvaises.
La révolution des symboles
Du XIIIe au IIIe millénaire avant notre ère, le Proche et le Moyen-Orient ont connu des évolutions représentant une mutation décisive du destin de l’humanité, à commencer par un changement du mode de vie, suivi par un bouleversement dans le mode d’acquisition alimentaire : de chasseur-cueilleur nomade, l’homme devient agriculteur-éleveur sédentaire. Avec ces nouvelles manières de vivre, de penser et d’agir, les causes et effets s’enchaînent. Sans surprise, ce que nous percevons des croyances révèle cette nouvelle victoire face à la Nature : dorénavant au centre de l’univers, l’Homme donne son image aux forces supérieures. C’est alors l’apparition des dieux… ou des déesses, des taureaux associés, des ancêtres vénérés, des rituels cultuels avec prières, sacrifices et dons d’offrandes, ainsi que des premiers espaces consacrés aux rituels. S’ouvre alors un nouveau chapitre – un nouveau défi – de l’histoire de l’humanité : celui d’organiser la pensée spirituelle en une pensée religieuse à proprement parler.
Hélène Bourg est préhistorienne, responsable de l’Espace de l’Homme de Spy (Onoz, Belgique). Ce centre d’interprétation présente une scénographie autour de la grotte de Spy, haut lieu de l’archéologie néandertalienne.
LEXIQUE
Cupule En archéologie, une cupule est une cavité en forme de petite coupe effectuée par un être humain à la surface d’une dalle ou d’un rocher. Le rôle de ces décorations n’est pas connu, ni l’usage exact qui en était fait. Gravettien Période du Paléolithique supérieur qui doit son nom au site de La Gravette, sur la commune de Bayac en Dordogne. L’art gravettien se caractérise par ses « Vénus » présentant souvent des formes très généreuses. | |
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florence_yvonne Admin
Nombre de messages : 49326 Age : 64 Localisation : L'Hérault Date d'inscription : 28/03/2006
| Sujet: Re: COMMENT DIEU EST DEVENU DIEU Dim 18 Déc 2016 - 16:16 | |
| Dieu a toujours été, il n'est pas devenu. | |
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Compagnon Professeur
Nombre de messages : 609 Age : 49 Localisation : Nanterre Date d'inscription : 17/12/2016
| Sujet: Re: COMMENT DIEU EST DEVENU DIEU Dim 18 Déc 2016 - 17:31 | |
| Le titre peut apparaître provocateur, c'est le choix du rédacteur de l'article.
Toutefois on peut reconnaître qu'historiquement la conception que les hommes ont de "Dieu", le discours des hommes "sur Dieu" a évolué. On ne parle pas dans les mêmes terme de "Dieu" actuellement que comme au temps des royaumes d'Israël et de Juda par exemple.
Je pense que c'est dans ce sens là qu'il faut le comprendre.
Le discours théologique actuel est le fruit d'une élaboration par les hommes dans le temps depuis au moins Abraham. | |
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