Forum des déistes, athées, inter-religieux et laïques
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 Datation ecrits hindous

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amejade
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MessageSujet: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyMer 25 Nov 2015 - 20:24

Bonsoir

J avais lu que les ecrits hindous selon certains orientaliste serait de l ordre mythologiques tellement l authencite et les dates de revelation sont floues.

Sur quoi se base ces orientalistes ?et pourquoi les ecrits hindous seraient moins authentiques que les ecrits des 3monotheistes?

Sait on la date precise de revelation du mahabaratah?

Et du baghavata purana?

Merci
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amejade
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyDim 29 Nov 2015 - 10:51

Ram

Voici le dialogue QJ ai eu avec un autre spécialiste de l Inde.

Lui me dit
Je prends le colossal Mahabharata : la plus grande œuvre poétique de tous les temps, en vers. 
Personne ne sait la dater à ce jour. Elle relate un récit historique survenu 2200 ans avant JC. Certains y voient un récit bien plus récent, au 5e siècle av JC. D'autres carrément, rabaissent sa datation à -300 ans av JC. Sans pour autant fournir la moindre preuve...

5 éléments fondamentaux gênent toute datation sérieuse :
1) C'est un poème, un dit oral et donc nullement un écrit d'origine. 
2) La parfaite cohésion du poème est unique au monde, même Homère n'offre jamais une telle perfection ni une aussi immense unité. La thèse qu'un seul humain ait pu produire cela, prétextant plusieurs poètes, est invérifiable. Techniquement, l'unité absolue conforte pourtant un seul et unique auteur. 
3) La modernité universelle du chant est impressionnante même aujourd'hui. Et comme l'Histoire est une perpétuelle répétition, certes il y a bien eu une grande bataille vers -300 av JC mais nous avons des copies du 5e siècle av JC qui annulent cette thèse. 
4) La stabilité de la religion hindouiste à nulle autre pareille, et la structure de la plus parfaite grammaire au monde, ne permettent pas non plus de datation. La date cependant de -2200 ans av JC est parfaitement recevable, en archéologie.
5) A nul autre pareil, l'intrusion dans le monde du Maha-Bharata, étude faite jadis dans ma license de sanskrit, en sanskrit, donne des précision tellement bien plus profondes que les spéculations toutes personnelles du Bouddha historique. Comment le plus grand poème de l'humanité va-t-il aussi loin en détails dans les structures les plus complexes de l'hindouisme ? Autrement dit, il est plus facile de mettre en doute les quelques authentiques paroles du Bouddha il y a -500 ans av JC que les méticuleux détails des dizaines de milliers de vers du Mahabharata. 

Unité de style, précisions historique et religieuse jusqu'à l'anecdote même, confirmations archéologiques, font de ce poème 32 fois plus long que l'Illyade d'Homère, un récit unique et à nul autre pareil au monde. La Bible constituée de 73 Livres et de tant d'auteurs, de scribes, est bien plus récente et désordonnée. 

Une chose est certaine, la date de -2200 ans av JC est parfaitement recevable scientifiquement. C'est l'avis général.

Moi

Mais j ai lu qu il y avait des versions de mahabaratah cad qu il ya pas qu un seul mahabaratah 

Par exemple en langue tamoul qui serait a l origine des hijra
Wikipedia dit 
Une grande fête réunit chaque année les hijras de l'Inde. Elle se déroule à la pleine lune, fin avril, dans le village de Koovagam, à 200 km au sud de Madras. Ils viennent y revivre un épisode du Mahâbhârata. La légende veut qu'à la veille d'une bataille, le clan des Pandavas ait consulté un astrologue. Celui-ci leur avait prédit la victoire à condition qu'ils sacrifient un homme parfait.

Il n'y en avait que trois : le dieu Krishna, Arjuna, le chef des Pandavas, et son fils Aravan. Les deux premiers étant indispensables, Aravan accepta de se sacrifier, mais exigea de pouvoir d'abord se marier et de consommer son mariage, au moins pour une nuit. Aucune candidate ne s'étant proposée pour une si brève union, le dieu Krishna prit une forme féminine pour satisfaire le vœu d'Aravan qui fut décapité le lendemain matin, assurant ainsi la victoire de son camp.

Cett histoire est t elle.dans toutes les mahabarath?
Et j ai aussi lu que des janins ont etabli une mahabarath denigrant krishna comment es ce possible?

Je demande cette histoire est elle dans tout les mahabarath?

Et autre point

Un article ecrit que des janinins ont ecrit une mahabaratha pour denigrer krishna

comment es ce possible? peut on faire une mahabaratha comme ca?
Lui pas reponse
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyDim 29 Nov 2015 - 11:15

Selon la tradition le Mahabharata se passe il y a 5000 ans, et je ne connais qu'un Mahabharata, c'est tout ce que je sais, désolé. Selon que les historiens soient indiens ou occidentaux, ils ne sont pas d'accord, vous ne trouverez jamais la réponse et je ne l'ai pas non plus, donc je ne rentre pas dans ces spéculations stériles.
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amejade
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyDim 29 Nov 2015 - 13:49

oui exact en fait je ne fais pas le debat mais essaye de voir en profondeur tout les avis

donc les occidentaux disent quoi?
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyDim 29 Nov 2015 - 16:17

Les indiens ont tendance à faire reculer les dates, les occidentaux ont tendance à les raccourcir peut être pour diminuer leur importance, vieux réflexe judéo-chrétien surtout des indianistes du 19ème siècle qui avaient une vision étroite et cherchaient à y voir une influence chrétienne ...  la vérité est peut être entre les deux.

Les occidentaux se croyant toujours supérieurs ont tendance à ne pas faire confiance aux maitres et érudits indiens. Mais même parmi les indianistes occidentaux ils sont loin d'être d'accord. Il faut citer au 19ème siècle, Eugène Burnouf, Emile Sénart, Sylvain Lévy, puis au 20ème siècle Jean Varennes, Olivier Lacombe, jean Filliozat, Jean Herbert, Alain Daniélou, Deleury, A.M.Esnoul, Madeleine Biardeau, Louis Frédéric, Zimmer, Gonda ... certains sont très bons, mais beaucoup n'ont étudié que de l'extérieur. C'est comme si pour l'islam on refusait de prendre en compte les études des savants musulmans sous prétexte qu'ils ne sont pas objectifs en raison de leur croyance. Je n'ai pas d'exemples, ils seraient trop nombreux.
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyDim 29 Nov 2015 - 17:07

OK on dit que l hindouisme est une mythologique tellement les écrits sont flou dans les dates
Selon votre avis es ce le même degré d authenticité que les religions du livre ?
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyLun 30 Nov 2015 - 0:47

Contrairement aux apparences, les écrits se tiennent et se recoupent, et c'est là un vrai miracle vu la somme des livres !

Je ne vois rien qui serait plus authentique dans les monothéismes qui sont aussi des mythes à commencer par la genèse, ou des visions de prophètes.

Dans l'hindouisme on ne parle pas de prophètes mais d'êtres libérés qui ont réalisé leur unité ou leur union avec Dieu, sans parler des avatars qui eux sont des incarnations un peu comme dans le christianisme en ce qui concerne JC. La différence entre un avatar et un être totalement réalisé est minime. Un avatar prend naissance, se fait homme, tandis qu'un êtres réalisés le devient par une ascension dans le divin.
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyLun 30 Nov 2015 - 9:35

Et aussi ces passages

*Yajurveda
« Il est au-delà de l’image »
[Yajurveda 32]
« Il est sans corps et pur »
[Yajurveda 40]

Je me demande comment il peut y avoir adam noe et Abraham dans les écrits hindous?
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyLun 30 Nov 2015 - 22:32

pourriez corriger cette frise et ajoutez si des phases importantes y ont ete oublié?
par exemple shankasharia et les 2 autres sages ont un role phare un tournant dans l histoire de l hindouisme?

Entre-10000-2700 avant JC Civilisation de l’Indus. Le peuple Mazdéen de l’ancienne Iran et les Indiens forment un même peuple.

V -2000-1500 Début de la période védique. Immigration des aryens. Le grand patriarche serait Rama(psl).

V -1500-900 Compilation des Védas (livre saint). Vie présumé de Krishna (psl)

v-900 Début_de_la_période Brahmanique.

Entre -900 et -600 Début_de_la_rédaction_des_Upanishads
(signifiant « s’asseoir auprès d’un maitre »).

v-600-500 Apparition du bouddhisme et du jainisme.

v-400-300 Apparition_du_terme_« hindouisme ».
Le nom originel de cette religion est « Sanatana dharma » ou « Loi éternelle »

v 200-400 Versions abouties du Ramayana et du Mahabharata (contant la vie de Rama et Krishna)
.
v300-400 Début de la rédaction des Puranas (livre saint).

v900 Rédaction de la Bhagava Purana (livre saint).

V1400-1500 Renaissance de l’hindouisme.

1526 Début de l’empire Mongol.

1857-1947 Colonisation Britannique

15 aout 1947 Indépendance_de_l’union Indienne
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyMar 1 Déc 2015 - 7:29

Désolé je ne suis pas un historien pour confirmer ou infirmer

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amejade
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyLun 7 Déc 2015 - 22:05

Connaissez vous romila Thapar?
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Dans la vidéo elle donne deux autres auteurs autre que valmiki pour ramayade vous pouvez me les dire g pas pu les attraper?


Vous m avez dit y'a les historiens indiens qui vont reculer les dates des écrits hindous et les indianistes les mettre plus récent et ne pas prendre l avis des indianistes par orgueil complexe de supériorité mais y'a aussi un troisième genre dont fait partie romila thapar
Dès historiens indiens expert accusant les historiens indiens classiques de nationalisme exagéré tournant l histoire des textes sacres indiens avec parti pris. Voir la video

Romila Thapar is critical of what she calls a "communal interpretation" of Indian history, in which events in the last thousand years are interpreted solely in terms of a notional continual conflict between monolithic Hindu and Muslim communities. Thapar says this communal history is "extremely selective" in choosing facts, "deliberately partisan" in interpretation and does not follow current methods of analysis using multiple, prioritised causes.[12]

In 2002, the Indian coalition government led by the Bharatiya Janata Party (BJP) changed the school textbooks for social sciences and history, on the ground that certain passages offended the sensibilities of some religious and caste groups.[13][14] Romila Thapar, who was the author of the textbook on Ancient India for class VI, objected to the changes made without her permission that, for example, deleted passages on eating of beef in ancient times, and the formulation of the caste system. She questioned whether the changes were an, "attempt to replace mainstream history with a Hindutva version of history", with the view to use the resultant controversy as "election propaganda."[15][16] Other historians and commentators, including Bipan Chandra, Sumit Sarkar, Irfan Habib, R.S. Sharma, Vir Sanghvi, Dileep Padgaonkar and Amartya Sen also protested the changes and published their objections in a compilation titled, Communalisation of Education.[15][17]

Writing about the 2006 Californian Hindu textbook controversy, Thapar opposed some of the changes that were proposed by Hindu groups to the coverage of Hinduism and Indian history in school textbooks. She contended that while Hindus have a legitimate right to a fair and culturally sensitive representation, some of the proposed changes included material that pushed political agenda.[18]
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyMar 8 Déc 2015 - 7:11

Je ne lis pas la propagande d'une historienne marxiste dont tous les travaux sont orientés contre la religion.
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyMar 8 Déc 2015 - 21:41

apres les faits sont les faits car des ecrits c historiques le mieux serait de lui repondre

chaque religion a des attaques d orientaliste mais la le plus important ce sont les faits y a t il d autre ramanaya autre que valmiki?

car ce n est pas une question subjective c est juste une question de presence ou d absence

comme je vous demande combien de verre y  a t il  dans la valise?

apres si je vous demande sont ils beau la peut etre vous me dirait par mauvaise foi non ils sont laid comme cette marxiste pourrait dire la religion est contre la liberté mais la c est subjectif

mais en ce qui concerne d autre version de ramanaya si elle ment rien de plus facile  que de la contredire et elle dit vrai alors ce n est pas son opinion mais juste historique.
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyMar 8 Déc 2015 - 23:23

Je ne connais que le Ramayana original de Valmiki, les autres sont des recensions, exemple les traductions khmer, thaï, laotienne, malaise, et le Ramayana de Tulsi das en Hindi qui est agrémenté de considérations philosophiques. Seul le point de vue de la religion m'intéresse.
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyMer 9 Déc 2015 - 14:58

en fait elle , elle parle de la premiere version de valiminki

puis changé en deuxieme version ou le personnage de rama change d'homme a avatar
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyMer 9 Déc 2015 - 21:42

Ramanaya par romila thapar

on croit généralement aujourd’hui, surtout dans le nord de l’Inde, qu’il n’y a eu, dans la civilisation indienne, que ,deux versions importantes de l’histoire de Rama (Rama-katha) : la version sanskrite de Valmiki, le Ramayana, puis celle, en hindi, de Tulsidas, le Ramacharitamanas. Pourtant, historiquement, l’intérêt majeur du Rama-katha réside dans la multiplicité de ses versions. Chaque version majeure reflète un changement important à la fois dans la perception du rôle de l’histoire et dans la reconnaissance de chacune d’elles par son public comme étant la version authentique.



6Le Ramayana de Valmiki, dans sa forme originale, n’était pas un « livre sacré » comme nous l’entendons aujourd’hui, mais un récit, une histoire coulée dans un moule épique. Il n’était même pas décrit comme un texte sur le dharma, ni généralement classé comme un itihasa – ce qui était considéré comme étant arrivé dans le passé. Il est plus fréquemment signalé comme une composition poétique (kavya ou adikavya).

Vālmīki (sanskrit ; devanāgarī : वाल्मीकि ; qui signifie « (Pénitent) de la fourmilière[n 1] ») est un poète indien légendaire et auteur selon la tradition du Rāmāyaṇa[1], racontant l'épopée du prince Rāma parti à la recherche de Sītā. Cette œuvre monumentale composée de pas moins de vingt-quatre mille strophes de quatre vers est l'un des joyaux de la littérature indienne antique, avec le Mahābhārata. Mais on date ce poème seulement du début de l'ère chrétienne ; son attribution à Valmiki provient d'éléments internes au texte (plus précisément d'une partie récente où le poète apparaît comme personnage). La tradition attribue à Valmiki l'invention du mètre épique (śloka)[2]. Il est surnommé « Adi kavi », le « Premier poète ».

7Que le Ramayana de Valmiki n’ait pas été traité à l’origine comme un livre sacré est évident si l’on considère la différence entre sa mise en forme, d’abord orale puis écrite, et celle du corpus védique. Les Vedas furent méticuleusement mémorisés grâce à des outils mnémoniques enseignés aux seuls Brahmanes qui accomplissaient les fonctions de prêtres, tout comme aujourd’hui. Ceci a garanti une reproduction remarquable de la composition originale6 ; et ces hymnes étant considérés comme sacrés, l’exactitude de leur récitation était une condition de leur efficacité. Au contraire, des textes comme le Ramayana étaient conservés selon une méthode beaucoup plus libre. Sa mémorisation orale n’empêchait ni les changements ni les interpolations tardives telles que des péroraisons sur un bon gouvernement et l’observation des règles du dharma. En effet cette véritable transformation d’un poème épique en une histoire de Rama considéré comme un avatar de Vishnou, nécessitait des additions substantielles.

8Une littérature qui se perpétue oralement de façon aussi libre que les épopées de l’Inde ancienne ne peut être datée avec précision, puisqu’elle a sans cesse subi des changements.


X. Les tentatives pour dater le Ramayana de M en fouillant les sites mentionnés dans le texte ont déçu ceux qui croyaient en la très grande antiquité de ces endroits. Ainsi les fouilles à Ayodhya et dans les environs ne font-elles pas remonter le peuplement au-delà du viie siècle av. J.-C. Les objets de cette période suggèrent un mode de vie très simple, qui ne peut en aucune façon être considéré comme urbain, ni comme l’équivalent archéologique des descriptions du texte8.

9 l’épopée elle-même a vu sa fonction changer dans le temps en passant de la poésie orale à la littérature religieuse.



14Les épopées résultent souvent de l’amalgame de nombre de ballades, contes et mythes. Des histoires sont mises bout à bout par un barde et ces assemblages donnent au genre littéraire une forme différente. Le Rama-katha, assemblage de compositions libres de bardes, est censé être la première forme de l’épopée et n’existe plus sous sa forme originale. Même les plus anciennes versions conservées qui datent sous leur forme actuelle du tournant de l’ère chrétienne, ont été chacune retravaillées selon des perspectives particulières. L’une des premières versions, l’épopée littéraire du poète Valmiki, le Ramayana, a fini par être acceptée populairement comme la version standard. Elle incorpore le matériau brut habituel et des stéréotypes de contes épiques : la fortune fluctuante du héros, l’enlèvement de la princesse, la recherche pour la secourir, la bataille héroïque sont entremêlés de singes volants, de démons et d’un chariot aérien.

15Le héros, Rama, est le fils aîné du roi Dasharatha, qui règne à partir d’Ayodhya sur le royaume de Koshala, au milieu de la plaine du Gange, et prétend descendre de la lignée solaire (Sûryavamsha). Les forêts proches sont les demeures des démons (rakshasas), qui interviennent constamment dans les rituels de sacrifice des ermitages forestiers des ascètes. Rama et Lakshmana, son jeune frère, sont appelés pour purger la forêt de ces démons. Ils le font et se rendent ensuite à la cour du roi Janaka dans les collines au pied de l’Himalaya. La fille de Janaka, Sita, est à marier. Le choix de son mari dépend de la capacité des héros rassemblés dans la cour à soulever et bander un arc immense. Rama seul réussit, et Sita devient son épouse. À leur retour à Ayodhya, Dasharatha annonce l’installation de Rama comme futur roi. Mais la belle-mère de Rama, poussée par sa servante bossue, rappelle à son mari une promesse antérieure. Elle exige que son fils succède à Dasharatha et que Rama soit exilé dans la forêt pendant quatorze ans. Dasharatha, fidèle à sa parole, cède tristement. Rama, Sita et Lakshmana, ces deux derniers volontairement, partent en exil dans les forêts des collines de Vîndhya, au sud de la plaine du Gange. Ici, l’inévitable se produit. Sita est enlevée par le puissant démon Ravana, qui l’emmène dans son chariot aérien à sa maison de Lanka. Rama et Lakshmana découvrent l’endroit où elle se trouve avec l’aide du chef des singes, Hanuman. Rama livre alors bataille à Ravana, qui est battu. Sita est sauvée mais doit subir l’épreuve du feu pour prouver sa chasteté. Tous trois rentrent alors à Ayodhya où, la période d’exil terminée, ils sont accueillis chaleureusement. Dasharatha étant mort pendant ce temps, Rama est couronné et son règne devient symboliquement, dans la mémoire collective, une période utopique de prospérité et de bien-être, à laquelle renvoie l’expression Rama-rajya.

mort
16L’épopée originale, composée par des bardes en tant qu’une partie de la tradition orale, était récitée lors des rituels de sacrifice, des fêtes et dans les cours des rajas – chefs et rois. Elle pourrait tirer son origine de l’éloge d’un patron, ou en être une imitation. L’histoire concernait les familles des ,Kshatriyas chefs et guerriers, avec d’autres groupes sociaux dans les rôles secondaires. Souvent le héros devait se distinguer par une naissance particulière. Ainsi Rama et ses frères sont nés seulement après l’accomplissement d’un rituel de sacrifice par un sage10. L’exil était un expédient utile. Il donnait au poète l’occasion de nouveaux incidents, si le récit faiblissait. Le temps n’était pas rigide. Il pouvait aller et venir avec une continuité entre temps mythique, héroïque et historique. Raconter les incarnations précédentes des divers personnages était une façon de jouer avec le temps. Le conflit entre Rama et Ravana a été décrit comme un mythe prototype faisant écho aux premiers conflits décrits dans les sources védiques entre Indra et Vritra, et exaltant l’idéal héroïque. Rama est la personnification du Kshatriya idéal. Il est désigné comme un héros humain, sans qu’il soit question de l’identifier à Vishnou11. Il est néanmoins l’homme parfait12.

17L’histoire devint populaire : son insertion parmi les récits (akhyanas) des seize grands héros du Mahabharata en est une preuve. Le Ramopakhyana(phase2), comme on l’appelle, n’est pas seulement un résumé du texte de Valmiki, ce que l’on suppose souvent, mais une interprétation de l’histoire avec des changements qui lui sont propres. Qu’il ait précédé la version de Valmiki ou ait été composé plus tard est controversé. Sa popularité a été attribuée à différents facteurs, comme le fait d’être un recueil de mythes de la nature, avec Sita en déesse de fertilité et Rama en dieu solaire, étant donné qu’il descendait de la lignée solaire. C’est peut-être à cause de cette popularité croissante que le Ramayana de Valmiki fut alors transformé en un texte religieux13, grâce à une nouvelle édition par des auteurs brahmanes. Des changements appropriés furent apportés au texte et deux nouveaux livres ajoutés, au début et à la fin, le Balakanda et le Uttarakanda14, où la prééminence accordée aux Brahmanes Bhargava est évidente15.


18Le héros Rama était maintenant désigné comme un avatar, une incarnation de Vishnou, l’une des deux principales divinités de l’hindouisme puranique alors émergeant.. En plus, l’élaboration du caractère des protagonistes exagère leur portrait initial. Ainsi, Ravana devient un monstre à dix têtes et une personnification du mal proche de la caricature.

19 Kautilya, Arthashastra, 1. 12. 9 ; 2. 1. 34 ; 2. 27. 7.
Le coup principal de la version brahmanisée à laquelle on a continué de se référer comme le Ramayana de Valmiki, était bien sûr la glorification de Vishnou incarné en Rama.


20Le théâtre était celui de clans en conflits, dans un contexte de nouveaux peuplements empiétant sur les forêts et de migrations de peuples20. Le Ramayana de Valmiki a obscurci l’identité des rakshasas en les décrivant comme des démons, là où l’imagination du poète avait joué à plein. Il est pourtant évident que ce n’étaient pas des démons, mais un peuple avec des façons de vivre différentes de celui d’Ayodhya et dans le territoire duquel s’introduisaient ermites et héros exilés. Le Rama-katha original essayait probablement de décrire un conflit entre chefferies avant la montée des monarchies. La réécriture suivante lui substitue une forte approbation de l’état monarchique, maintenant considérée comme la forme politique idéale alors que les systèmes différents ou prémonarchiques tels que ceux des rakshasas sont désapprouvés21.
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MessageSujet: Re: Datation ecrits hindous   Datation ecrits hindous EmptyMer 9 Déc 2015 - 21:48

22 Ramayana, 2. 16. 7 sq.
23 Ibid., 1. 1. 75 ; 2. 13. 1-2 ; 5. 33. 11 ; 6. 115. 13.
24 Ibid., 2. 29. 15 ; 32. 6.
25 D. Chanana, The Spread of Agriculture in North India, New Delhi, People’s Publishing House, 1963, p (...)
21Le Ramayana constate sans cesse que l’absence de roi conduit un peuple à l’anarchie générale. Ayodhya est la capitale d’un état monarchique, Rama accomplit les devoirs d’un roi, la primogéniture devient une question centrale quand le fils aîné est exilé et exclu de la royauté, contrairement à la norme22. La société d’Ayodhya est ordonnée selon les règles de caste23. Ses citoyens comptent leur richesse en grains et en objets de valeur qu’ils échangent même sur de longues distances24. Le territoire des rakshasas au contraire n’a pas de frontières, il lui manque l’autorité d’un État et sa société n’est pas ordonnée selon les castes. Les décisions sont prises par Ravana, le chef des rakshasas, et ses parents, car il n’y a ni consultation des ministres ni hiérarchie de statut. Lanka, son île forteresse, est décrite comme une ville d’or, de pierres précieuses et de richesses démesurées, mais il n’y a pas de source évidente de richesse25. Le luxe peut bien être un exemple d’imagination poétique extravagante. Les rakshasas ne connaissent ni l’agriculture ni le commerce. Les ermites sont l’avant-garde, si l’on peut dire, de l’empiétement sur les terrains de chasse et les forêts des rakshasas, car ils sont aussi des précurseurs d’une société agricole qui défriche et peuple les régions boisées. C’est peut-être ce qui a entraîné les rakshasas à troubler les rituels des ermites. Quoique méprisés, les rakshasas sont aussi supposés avoir accès aux pouvoirs magiques et à des objets parmi lesquels le plus impressionnant est le chariot aérien de Ravana. La démonisation, si l’on peut dire, des rakshasas pourrait être la projection d’un ennemi redouté. Il y a, dans la version brahmanique, du mépris aussi bien que de l’estime pour Ravana.

26 R. Thapar, « Origin Myths and Early Indian Historical Tradition », Ancient Indian Social History : (...)
22Les gens de moindre importance qui deviennent les alliés de Rama en exil, tel que le chef Nishada et les parents de Hanuman, ont été considérés comme de probables tribus de chasseurs et de cueilleurs qui, dans les premiers mythes, étaient repoussés vers des endroits moins accessibles26. C’étaient des gens liés par des règles complexes de dons et d’obligations réciproques, plus que dans la monarchie. Le texte semble ainsi incorporer un ensemble continu de formes économiques et sociales : il va des chasseurs-cueilleurs aux chefferies, et garde l’admiration pour l’état monarchique. Chaque version importante du texte insiste davantage sur la monarchie comme modèle, mais quelques formes non monarchiques sont conservées pour faire contraste, ou bien réussissent à s’y glisser

27 V. Fausboll, The « Dasaratha Jataka », Being the Buddhist Story of King Rama, Copenhague, 1871 ; Da (...)
28 J. Przyluski, « Epic Studies », Indian Historical Quaterly (Trivandrum), XV, 1939, p. 289-299 ; C. (...)
29 R. Thapar, « Origin Myths… », op. cit., p. 294 sq.
23Le Rama-katha faisait partie d’une tradition libre d’histoires racontées par des bardes, qui étaient reprises et retravaillées dans des versions diverses. Ce que confirment aussi les versions que l’on trouve dans la littérature de religions considérées généralement comme hétérodoxes par rapport au brahmanisme, le bouddhisme et le jaïnisme. Des sources bouddhistes provient l’histoire racontée dans le Dasaratha Jataka (entre le ive et le iie siècle av. J.-C.)27, qui est le plus bref des résumés d’une partie du Rama-katha. Certains savants estiment que cette version du Rama-katha précède celle de Valmiki alors que d’autres maintiennent qu’elle est plus tardive28. L’histoire connaît un changement significatif : Sita n’est pas la femme mais la sœur de Rama. À la fin de l’exil, quand Rama retourne à Ayodhya, Sita devient l’épouse conjointe de Rama et ils règnent ensemble pendant seize mille ans. Cette version pourrait refléter la tradition des mariages frère-sœur dans les mythes d’origine bouddhiste, y compris celui de Bouddha. Elle peut être interprétée de plusieurs façons : comme un symbole de pureté du sang ou, plus probablement, la délimitation d’un statut distinctif. Une comparaison avec les mythes d’origine bouddhiste suggère que Rama et Sita ont pu être perçus comme les fondateurs d’un clan royal et donc mis dans cette relation particulière, car la lignée de Rama est suivie jusqu’à l’ancêtre éponyme Ikshvaku, dont, par ailleurs, le clan de Bouddha prétendait aussi descendre29. L’inceste entre frère et sœur ne doit pas être considéré littéralement mais comme un signe culturel. La fonction de l’histoire, écrite en pali pour l’instruction de publics bouddhistes, diffère de celle d’autres versions du Rama-katha. La consolation que Rama offre à son frère Lakshmana à la mort de leur père souligne l’éthique bouddhiste.

30 Le texte a été édité par H. Jacobi, The Paumacariyam of Vimalasuri, Varanasi, Prakrit Text Society, (...)
31 Paumacariyam, 2. 116 ; 4. 64 sq.
24La version jaïn du Rama-katha, le Paumacharyam, est agressivement différente des autres et se présente comme la contre-épopée30. Composée par Vimalasuri aux environs du iiie siècle, voire un peu plus tard, elle est écrite dans la langue utilisée par le peuple, le prakrit. Elle contredit le Ramayana en tant que retravaillé par des auteurs brahmanes, qu’elle décrit comme appartenant à la fausse tradition propagée par les brahmanes hérétiques – hérétiques du point de vue des jaïns31. Composée selon l’éthique et la doctrine jaïn, elle est d’une certaine façon la symétrique de la version de Valmiki révisée par les brahmanes. Naturellement Vimalasuri revendique la véracité de son récit mais il introduit aussi une nouvelle dimension, l’historicité, en démontrant que sa version est conforme à ce qui s’est effectivement passé, ce qui n’était pas revendiqué par le Ramayana de Valmiki.

32 Ibid., 5. 16 sq.
25La version jaïn commence par la généalogie et l’origine non de Rama, comme chez Valmiki, mais de Ravana puis de Hanuman32. Nous apprenons que les rakshasas ne sont pas des démons mais des êtres humains normaux. Ravana n’est pas un monstre à dix têtes : il est décrit ainsi parce qu’il porte un collier de neuf grosses pierres précieuses qui reflètent son visage. De même Hanuman n’est pas un singe mais le chef d’un clan dont l’étendard porte un singe comme emblème. Cette version accentue son rôle de médiateur plus que celui de fidèle serviteur de Rama. Ravana, nous dit-on, appartient à la lignée de Meghavahana, le mot indiquant littéralement qu’il est « né dans les nuages », ce qui le lie aussi à son autre épithète akashamargi, celui qui voyage à travers le ciel, les deux épithètes suggérant des chariots aériens.

26Au moment où la version jaïn est rédigée, la région de Vindhya connaît la transformation des premiers établissements en centres commerciaux, en villes, en noyaux de petits royaumes. Certains deviennent des protecteurs du jaïnisme. Il n’est pas étonnant que, dans la version jaïn, Ravana, loin d’être un méchant, soit un jaïn pieux qui met en pratique ce que sa religion exige en matière de préceptes et d’austérité et acquiert un considérable pouvoir ascétique. À la fin de l’histoire, Dasharatha, Rama et Lakshmana, deviennent tous des ascètes jaïns et Sita se retire dans un couvent. La question de l’auto-perception se définit ainsi autrement. L’éthique du guerrier, si évidente dans la version de Valmiki, se transforme maintenant en celle de l’ascète jaïn. En même temps l’épopée jaïn contredit fortement la version brahmanique.

33 V. M. Kulkarni, The Story of Rama in Jaina Literature, Ahmedabad, Saraswati Pustak Bandhar, 1989.
27C’est le début de la tradition d’une série de versions jaïns du Rama-katha33, qui coïncide avec la période où Rama en tant qu’avatar de Vishnou commence à gagner en popularité. Mais leur multiplication date d’une période plus récente, quand Rama émerge comme le cœur du culte bhakti. Les textes jaïns sont composés dans plusieurs langues : prakrit, apabhramsha et sanskrit. Les personnages sont tous des héros humains mais situés dans le cadre de l’éthique jaïn. Même dans la tradition jaïn, il y a des variations dans l’histoire : dans quelques textes, Sita est la fille de Ravana mais elle est élevée par Janaka, thème qui deviendra populaire dans des versions plus tardives. Ceci rend l’enlèvement doublement odieux mais ajoute un autre niveau au sens symbolique. L’accusation d’inexactitude est maintenue contre la version brahmanique. Les versions jaïns et bouddhistes signalent que le Rama-katha était une histoire populaire accaparée par divers intérêts sectaires dans des buts différents, alors que la controverse continuait à propos de l’authenticité des événements et des personnages. D’un point de vue historique, il est intéressant de savoir si la version de Vimalasuri est le produit d’une tradition antérieure, ce qui pourrait expliquer la contradiction dans le traitement de l’histoire, ou si elle reflète une confrontation croissante entre jaïns et brahmanes.

28Le Rama-katha fournissait des histoires bien connues à nombre de publics différents. Ces thèmes se frayaient également un chemin dans un genre entièrement différent, celui des pièces et des poèmes écrits pour les cours royales et les lettrés. Retravaillés, ils donnèrent les classiques de la littérature créative en sanskrit et plusieurs ont connu des changements importants conformément aux exigences de la littérature de la cour. Le poème narratif de Kalidasa, Raghuvamsham, la pièce de Bhasa, Pratimanataka et celle de Bhavabhuti Uttararamacharita sont parmi les mieux connus et les plus fréquemment cités. Certains prirent la forme de tours de force littéraires : dans la biographie d’un roi contemporain de l’Inde de l’est, Ramapala, écrite au ixe siècle, le Ramacharitam de Sandhyakaranandin peut être lu aussi bien comme l’histoire de Rama ou comme la biographie du roi. De telles compositions ne traitent pas le Rama-katha comme une littérature sacrée mais comme une source pour des exercices littéraires et des démonstrations de virtuosité poétique.

34 Chaque langue régionale a plusieurs versions de l’histoire, et il est impossible de les discuter to (...)
29Les langues régionales émergentes ont aussi produit, à des moments différents, leurs propres versions du Rama-katha, telle que l’épopée tamoule de Kamban, Iramavataram, le Ranganatharamayana en telugu, le Pampa Ramayana en kannada, plus tard le Ramayan de Krittibasa en bengali, ou le Bhavartha Ramayana de Ekanatha en marathe34. L’écriture du Rama-katha dans ces langues a été un processus continu et plusieurs de ces versions ont introduit des innovations pour répondre aux changements dans la société indienne et aux perspectives régionales. Elles concernent aussi bien les événements que les personnages. Dans plusieurs versions, Ravana – un héros en déclin plutôt qu’un méchant – est très différent de celui de Valmiki. Le poème tamoul s’appuie un peu plus fortement sur la tradition Bhakti de la dévotion à une divinité.

35 J. W. de Jong, The Story of Rama in Tibet, Stuttgart, F. Steiner, 1989.
36 Comme dans la version javanaise, Serat Kanda.
37 W. Stutterheim, Rama-Legends and Rama-Reliefs in Indonesia, New Delhi, Abhinav Publications, 1989, (...)
38 Ibid.
30Peu après l’an mil, l’histoire de Rama connaît une énorme diffusion géographique. Ceci est moins dû au Ramabhakti en tant que tel qu’au fait qu’avec leurs variantes, les traditions locales s’expriment dans un idiome culturel commun, largement répandu et compris. Il faut ainsi distinguer l’histoire comme métaphore culturelle et comme littérature sacrée. Dans la réélaboration du texte de Valmiki, l’histoire reste la littérature sacrée des Vishnouites, mais plusieurs autres variantes la traitent comme une métaphore culturelle. Ces dernières, populaires en Asie centrale, en Chine et au Tibet35, reprennent parfois des versions originales bouddhistes, bien que ces versions aient leurs propres variantes selon les normes sociales et culturelles de la société où elles prennent naissance. Dans l’Asie du sud-est, il y a eu une forte appropriation de l’histoire issue fréquemment de versions folkloriques et régionales indiennes, avec des variantes s’inspirant nettement de la géographie, des traditions et des événements locaux. Dans l’une d’elles, les changements géographiques sont considérables : l’Annam, région du nord-Viètnam, est identifiée à l’Ayodhya du texte et Champa, région du sud-Viètnam, à Lanka. Dans quelques versions, Sita apparaît comme la fille de Ravana que Ravana ne connaît pas. Les versions plus récentes de l’Asie du sud-est incorporent des légendes islamiques, quelques-unes même avec le prophète Adam36. Dans la version malaise, Ravana est exilé à Serendib, où Adam le voit et plaide pour lui devant Allah qui lui cède un royaume37. On a avancé que les bas-reliefs sculptés des grands sites d’Indonésie sont plus probablement basés sur des versions folkloriques de l’histoire que sur des textes38.

31L’art narratif dans la peinture et la sculpture s’est aussi inspiré de la version locale de l’histoire, à partir du milieu du premier millénaire de l’ère chrétienne. La sculpture de la période Gupta dans les temples de Nachna Kuthara et Deogadh a été interprétée comme des représentations des scènes du Rama-katha, ce qui faisait partie du thème général inclus parmi les avatars de Vishnou. Le fait de considérer Rama comme une divinité propre, avec des temples qui lui sont spécifiquement dédiés, est toutefois un développement bien plus tardif.

32Quand nous nous interrogeons sur les raisons de cette explosion de l’histoire en Inde, la notion d’idiome culturel paraît l’emporter sur celle de texte religieux. À l’évidence c’était un conte bien conduit, personnifiant le conflit entre le bien et le mal avec le triomphe final du vertueux. L’usage du texte pour propager le culte de Vishnou est aussi évident. Des spécialistes d’histoire de la littérature indienne ont suggéré que la diffusion du sanskrit dans des régions qui jusque-là utilisaient leur propre langue avait été facilitée par l’usage du sanskrit simple de l’épopée de Valmiki, devenue le modèle des épopées composées dans les nouvelles langues régionales, bien que leur récit ait été adapté aux exigences de la culture populaire et de la tradition locale. De telles explications sont entièrement plausibles, mais peut-être insuffisantes. Une enquête sur l’arrière-plan historique peut enrichir le tableau.

33Si le Rama-katha est perçu comme une charte de validation de la monarchie, il est aussi un texte adapté aux changements qui se produisent à partir du viiie siècle. Nombre de petits royaumes connaissent alors un important développement. À part quelques dynasties majeures, ils ont en général une existence brève et ne prétendent pas constituer de vastes territoires ; chacun entend toutefois détenir toute la panoplie d’une monarchie à part entière. Les souverains moins importants s’empressent d’adopter des titres grandiloquents et n’hésitent pas à s’appeler « Maharajadhiraja », grand roi des rois. Les cours locales se glorifient de suites nombreuses dont le code de comportement combine l’héroïsme chevaleresque au dévouement absolu et à la fidélité au roi. Les ressources de ces royaumes proviennent en grande partie de la conquête continue par l’économie agricole des régions autrefois boisées. Les friches sont mises en culture, pas nécessairement directement par l’État mais aussi par un système de dons de terres aux savants brahmanes et à ceux qui détiennent d’importantes fonctions administratives. Les ancêtres de plusieurs de ces rois de second plan avaient à l’origine reçu de semblables concessions ; les plus ambitieux d’entre eux aspirent au modèle monarchique. Quelques rois proviennent de familles de chefs de tribu qui, grâce aux postes administratifs, sont montés dans la hiérarchie de l’État. Dans cette situation, l’accès aux ressources économiques implique une augmentation de la terre cultivée. Les tribus des forêts doivent dans tous les cas être soumises, politique qui s’est continuée au cours des siècles. Le triomphe de Rama sur Ravana fournit ainsi une puissante métaphore à un processus alors en cours.

39 D. C. Sircar, « The Guhila Claim of Solar Origin », Journal of Indian History (Calcutta), XLII, 196 (...)
34Là où les cours royales apparaissent, les brahmanes ont légitimé le roi en lui fournissant une généalogie et en célébrant des rituels qui proclament son statut divin. La tendance est alors de vouloir faire remonter la lignée à deux races royales, celle du soleil (Sûryavamsha) et celle de la lune (Chandravamsha)39. Par le moyen de la généalogie, le statut de « Kshatriya », perçu comme celui de l’aristocratie foncière, est accordé à la famille sans prendre en compte ses origines réelles. Ceux qui se réclament de Sûryavamsha ont Rama comme ancêtre éloigné, et le Ramayana devient alors l’histoire d’un ancêtre royal. Le fait que l’ancêtre est une incarnation du dieu Vîshnou, aide à renforcer le caractère divin de royauté, alors plus généralement affirmé que précédemment.

35L’installation des brahmanes dans des régions auparavant étrangères à la culture brahmanique entraîne une acculturation par laquelle s’introduit une familiarité avec la tradition sanskrite. Mais une telle acculturation exige que la tradition sanskrite soit de plus en plus pénétrée de culture locale. Ainsi sont composées de nouvelles versions du Rama-katha où dominent ces éléments de culture locale.

40 R. Thapar, « Ramayana… », op. cit.
41 N. N, Misra, « Folk Elements in the Jagmohan Ramayana », in A. K. Banerjee, ed., The Ramayana in Ea (...)
36Une des formes de ces manifestations est le recours à la géographie historique. La géographie du premier Ramayana de Valmiki restait embrouillée40. Ainsi, la situation de Lanka, jamais précisée, a-t-elle pu se déplacer de la région de Vindhya vers le sud-est, en suivant une route connue de migrations et de commerce. Selon une croyance populaire d’aujourd’hui, Lanka pourrait bien être l’île de Ceylan ou Sri Lanka. Cette plasticité géographique pouvait être mise à profit. Le thème de l’exil est commode. À l’origine expédient de barde, utilisé dans presque toutes les épopées pour allonger l’histoire ou incorporer d’autres fragments, il devient, dans ce cas, une partie du processus d’acculturation. L’opinion locale peut prétendre que l’exil a réellement amené Rama dans cette région. Les caractéristiques topographiques et les cultes locaux sont progressivement liés à l’histoire, ce qui augmente le prestige culturel du site, favorise l’adoption des cultes de Vishnou et de ses incarnations et, incidemment, aide, le cas échéant, à renforcer les prétentions généalogiques de la famille régnante locale. Une version du Rama-katha du xvie siècle provenant de l’Orissa, représente les exilés voyageant à travers les royaumes de l’époque41.

37En parallèle à ces développements, quoique d’un tout autre genre, une secte spécifique, qui s’attache à la dévotion à Rama, émerge au début du second millénaire de l’ère chrétienne, la secte très influente des Ramanandins. Pour eux, l’adoration de Rama, ou Rama-bhakti, est la forme la plus efficace de dévotion et assure le salut de l’individu. Le Rama-bhakti faisait bien sûr déjà partie de la tradition vishnouite des Bhagavatas mais la focalisation des Ramanandins est nouvelle. Ils utilisent les versions de l’histoire qui soulignent le Rama-bhakti et écartent les textes qui leur sont associés. L’intérêt se déplace légèrement, de Vishnou plus particulièrement vers Rama, quoique l’objectif de ces textes ne soit pas tant les faits et gestes de Rama que les préceptes pour atteindre la libération du cycle de la naissance et de la mort (moksha).

42 N. Siddhantarama, Adhyatma-Ramayana, Calcutta, Calcutta Sanskrit Series, 1935 ; F. Whaling, The Ris (...)
43 Adhyatma-Ramayana, 1. 2. 54-55.
44 Ibid., 3. 7. 1. sq.
45 Ibid., 3. 7. 65.
46 Ibid., 7. 4. 32 sq.
47 Ibid.
48 Ibid., 7. 5. 2 sq.
49 J. L. Brockington, op. cit., p. 257 sq.


50 W. L. Smith, Ramayana Tradition in Eastern India, Stockholm, University of Stockholm, 1988, p. 136 (...)
40L’influence de la tradition Shakta, désormais puissante, sur le Rama-katha est évidente à travers d’autres changements dans le récit et le traitement de l’histoire dans d’autres textes. Shiva a déjà été introduit comme le narrateur de l’histoire. La transformation de Sita est plus intéressante : qu’il s’agisse de son double, ou de la Sita réelle, elle entre toute seule en action contre Ravana et finit par le tuer, épisodes racontés dans les Ramayanas en sanskrit d’Adbuta et d’Ananada. Sita, en tant qu’incarnation non de Lakshmi mais du concept Shakta de Devi, se retrouve dans plusieurs versions Shakta de l’histoire et n’hésite pas à tuer Ravana aux cent ou aux mille têtes. À partir de la tradition Shakta on peut prévoir un tel changement dans l’histoire puisque la déesse y est tout puissante. Mais elle transforme l’image et le rôle de Sita en quelque chose qui diffère totalement même de la Sita du Ramayana revue par Valmiki. Le rapport entre Rama et Sita change, de même que le portrait de Sita en tant que femme idéale dans la version précédente50. Certaines versions retiennent aussi le fait que Sita est la fille de Ravana, sans que celui-ci le sache.

51 A. Bakker, Ayodhya, Groningue, Egbert Forsten, 1984.
41L’influence grandissante de la secte des Ramanandins a conduit les bhaktas, dévots de Rama, à se tourner vers la ville d’Ayodhya qui, avec le temps, est devenue le centre de beaucoup de sectes et de religions diverses. Le recentrage sur Ayodhya s’est effectué à travers le circuit de pèlerinage, ce qui, en retour, a requis la délimitation d’une topographie sacrée situant les événements du Rama-katha. L’Ayodhya-mahatmya, rédigé entre le xie et le xve siècle, appartient à ce genre de textes qui traitent l’histoire locale d’un site sacré comme partie d’une tradition commémorée et qui réunissent mythe, récit du culte et descriptions des endroits considérés comme sacrés et nécessairement visités par le pèlerin51. Le pèlerinage à Ayodhya, associé précisément au Rama-katha, semble n’avoir commencé qu’à ce moment.

52 Ramacharitamanas, 7. 97-103.
42Au xvie siècle, Tulsidas compose en hindi le Ramacharitamanas, qui est devenu la version la plus populaire en Inde du nord. Il n’est pas étonnant que la secte des Ramanandins, à laquelle Tulsi était lié, ait eu besoin d’un texte compréhensible pour un public plus vaste que ceux qui connaissaient le sanskrit. Pour Tulsi, Rama est avant tout l’être divin présent parmi les humains. Nous apprenons en permanence qu’il est adoré par tous, même par les ascètes qui le contemplent comme « un vol de perdrix regardant fixement la lune d’automne ». La conception du monde de Tulsi rend impérative une telle dévotion. Il perçoit son époque comme une période de déclin moral, la chute de l’âge d’or initial à l’actuel âge de fer, l’âge de Kali (Kaliyuga), accompagné par un déclin inévitable des normes sociales et morales. Il constate que les règles de caste sont désormais ignorées, que des parvenus et des gens de basse caste s’imposent et réussissent par la fraude et la tricherie. C’est le monde à l’envers. L’unique consolation est l’adoration de Rama, qui seule peut ramener la société utopique gouvernée jadis par Rama52.

53 Mahabharata, 3. 186-188 ; Matsya Purana, 273 ; Vishnu Purana, 6. 1 ; Vayu Purana, 58 ; Brahmanda Pu (...)
43Une partie de l’opinion populaire soutient aujourd’hui que ce tableau du déclin était la façon pour Tulsi de protester contre les souverains Moghols, qui étaient musulmans, et que son Ramacharitamanas a consolidé et sauvé l’éthique hindou. Mais le texte ne le justifie pas. Les auteurs brahmanes ne cessaient d’évoquer les maux de l’âge de Kali chaque fois que l’autorité brahmanique était en crise ; ceci est arrivé à plusieurs reprises, même avant l’arrivée de l’Islam en Inde53. Tulsi, en tant que brahmane, est sans doute troublé par beaucoup de mouvements religieux contemporains au sein de ce qu’on appelle aujourd’hui l’hindouisme, qui nient l’autorité des brahmanes et les textes qu’ils respectent, qui propagent des idéologies religieuses alternatives et attirent de vastes publics de non-brahmanes. Les sectes qui proviennent du culte puranique et Shakta s’opposent souvent à la tradition brahmanique, plus conservatrice. Ainsi, loin de connaître le déclin de l’hindouisme, l’Inde, sous le règne des Moghols, a vécu l’effervescence d’un grand nombre de sectes hindoues. Quelques-unes, y compris des sectes vishnouites, s’affrontent pour obtenir une protection, ce qui prend parfois des tournures violentes comme lors des batailles entre les Bairagis et les Sanyasis. Le culte de Krishna à Vrindavana prend de l’importance. Le Ramacharitamanas n’est pas seulement un texte vishnouite : il se centre plus fortement sur la dévotion à Rama. Aussi n’est-il pas qu’une réécriture en hindi du Ramayana de Valmiki, révisé pour le culte Bhagavata, et contient des différences dont le sens est religieux. La version de Tulsi gagne aussi en importance aujourd’hui à cause du statut du hindi par rapport aux autres langues régionales.

44La popularité du texte de Tulsi a encouragé un nouvel idiome, celui des Ramalilas. Il s’agit d’un théâtre folklorique représentant le Rama-katha et joué dans les régions du nord de l’Inde où le hindi est la langue parlée. Le moment de l’année coïncide avec la récolte d’automne et le culte des ancêtres (shraddhas), ainsi qu’avec le culte saisonnier le plus important des déesses-mères. Le Rama-katha a probablement supplanté l’adoration de la déesse dans ces régions, car ailleurs la fête continue d’être avant tout associée avec la déesse.

54 K. Kumar, « The Ramacharitamanas as a Radical Text : Baba Ram Chandra in Oud, 1920-1950 », in S. Ch (...)
55 D. Shulman, « Battle as a Metaphor in Tamil Folk and Classical Tradition », in S. H. Blackburn & A. (...)
45L’histoire de Rama s’est prêtée à un autre usage, très différent : la mobilisation des paysans par Baba Rama Chander au début de ce siècle dans l’Uttar Pradesh. Il avait un double objectif, soutenir le mouvement national et s’opposer aux grands propriétaires de la région. Quelques vers choisis dans la version Tulsi furent popularisés comme élément de résistance à la domination coloniale. Les personnages vertueux de l’histoire, Rama, Lakshmana et Sita, sont identifiés avec les paysans. Les rakshasas, des méchants, sont identifiés aux propriétaires, aux capitalistes et aux Anglais54. Baba Ram Chander ne parle pas du retour de l’âge d’or du royaume de Rama (Rama-rajya), mais comme il identifie Rama avec les paysans, la réalisation du rêve des paysans, une fois au pouvoir, aurait de fait impliqué un Rama-rajya. Des versions locales de l’histoire, qui diffèrent par le récit et le symbolisme des versions de Valmiki et de Tulsi, continuent d’être jouées, ou même lues, parfois comme une tradition parallèle, parfois comme la tradition principale dans certaines communautés. Parmi elles, par exemple, la version populaire tamoule, auparavant transmise oralement, est, depuis le début de ce siècle, disponible sous forme imprimée : c’est le Chatakantakatai ou l’Histoire de Ravana à dix têtes55.

46Encore une fois, Sita, avec Rama comme cocher, part en guerre contre Ravana et le tue en combat. Clairement, l’image de la déesse puissante et dominatrice dépasse celle plus accommodante et aimable des versions de Valmiki ou de Tulsi, et suit le récit des versions Shakta. Ce ne sont pas des traditions marginales car elles sont centrales pour les sociétés d’où elles proviennent. Dans plusieurs versions folkloriques, le rôle de Hanuman change. Il reste un dévot de Rama mais il est en plus associé à l’humour et à des plaisanteries populaires et parle dans un style plus indigène, suggérant indirectement qu’il représente les gens du lieu.

47Les représentations populaires des Ramalilas ont trouvé une place dans l’industrie du cinéma et, depuis les années 1900, des films ont été tournés sur les thèmes du Ramayana et présentés comme « mythologiques ». Les films étant en majorité en hindi et diffusant le Rama-bhakti, il était presque inévitable qu’ils s’inspireraient des versions de Valmiki et de Tulsi. Les films ont à leur tour influencé la forme la plus récente du Rama-katha – comme le feuilleton le plus réussi de la télévision nationale – qui s’inspire aussi des versions de Valmiki et de Tulsi, maintenant considérées comme des versions canoniques.

48Ainsi le Rama-katha en Inde a-t-il eu une histoire mouvementée et a-t-il joué de multiples fonctions, qui ne sont pas toutes uniquement religieuses. Il y a des traditions parallèles de l’histoire qui continuent à ce jour et sont liées à des perspectives sociales différentes. Il y avait une tradition orale libre qui a probablement commencé avec des ballades et des fragments d’épopée ; les histoires qu’elle raconte ont été finalement liées ensemble dans les poèmes épiques ou les histoires Jataka de la tradition bouddhiste. De telles formes continuent à dominer des traditions folkloriques qui ont été incorporées à l’occasion dans les multiples représentations du Rama-katha.

49C’est au cours du second millénaire que le Rama-katha en tant qu’histoire a acquis son importance. La tradition du Rama-bhakti, plus centrée, se renforce et les nouvelles versions du Rama-katha sont considérées avant tout comme les textes du Rama-bhakti. Mais les différences entre sectes se réfléchissent aussi dans le traitement de l’histoire. Ainsi la version de Tulsi est-elle différente de la version Shakta et, si la version de Tulsi est populaire dans les régions où l’on parle le hindi, la version Shakta est populaire ailleurs.

50Il n’y a donc pas de version authentique unique du Rama-katha : chacune est authentique pour la secte à laquelle elle s’adresse en particulier ou pour la communauté locale où elle est apparue. En général, et même quand elle est incluse dans la littérature canonique ou semi-canonique (telles les versions bouddhistes ou jaïns), l’histoire est imprégnée d’une perspective sectaire, mais elle n’est pas nécessairement considérée comme un texte sacré. Seules quelques rares versions l’ont été par la suite. La multiplicité des versions folkloriques actuelles remonte à la tradition épique. Elles ne sont évidemment pas considérées comme des textes sacrés, mais constituent une partie significative de l’idiome culturel.

51Le Rama-katha a ainsi connu plusieurs réincarnations et sa fonction dans la société a changé au cours du temps. Aucune version particulière ne peut donc être considérée comme un livre sacré spécifique, sacré pour tous les Hindous, qu’ils soient de haute ou de basse caste ou qu’ils se conforment aux traditions religieuses des élites ou du peuple, indifféremment de la région et de la langue. Et il n’est pas possible de soutenir que la topographie du pèlerinage à Ayodhya remonte au-delà de l’ère chrétienne, quand les événements du Rama-katha sont censés se passer. L’intérêt d’une mise en perspective historique du Rama-katha réside dans son rôle pour articuler une grande diversité de dialogues dans le contexte de la civilisation indienne. Il ne s’agit pas de suggérer que ceux qui souhaitent traiter l’une de ces multiples versions comme un livre sacré ne doivent pas le faire ; il s’agit d’affirmer que ceux qui souhaitent voir la tradition du Rama-katha dans sa totalité hors d’un contexte religieux, ont aussi le droit de le faire. Il ne faut pas ignorer la distinction entre un idiome culturel et un livre sacré, religieux, sectaire. Le fait que cette distinction n’était pas ignorée dans le passé devient aussi fondamental pour comprendre le rôle du Rama-katha aujourd’hui.

56 En octobre 1990, le BJP (parti « hindou ») se retire du gouvernement, provoquant sa chute [N.d.T.].
52L’exploitation politique du culte de Rama n’est pas seulement devenue visible mais a été récemment propulsée au premier plan, culminant avec la chute d’un gouvernement56. Ceci a ajouté une autre dimension aux utilisations antérieures du Rama-katha. De même que, il y a très longtemps, l’histoire avait été utilisée pour diffuser une nouvelle conception religieuse (le Bhagavatisme, qui considère Rama comme un avatar de Vishnou), le culte de cet avatar peut désormais être utilisé pour construire une base et des revendications politiques. La première opération nécessitait l’effacement des différences entre les versions et la présentation d’une version unique, et seule authentique. Pour la nouvelle, l’aide des mass media est très importante.

53La télévision est en Inde la plus puissante d’entre elles, avec parfois une emprise même sur certaines traditions orales fortement enracinées. C’est dans ce contexte qu’il faut examiner l’utilisation de l’histoire de Rama. La version retenue, sans même indiquer l’existence de versions contradictoires, est un texte hindou vishnouite, centré sur le culte de Rama, bien connu des Indiens du Nord parlant hindi et, ailleurs, de quelques gens cultivés. Le choix de cette version est ainsi une prise de position sociale et politique d’autant plus significative que la télévision est contrôlée par le gouvernement. Avec un aussi puissant soutien le feuilleton en vient à se présenter comme la culture nationale dominante. L’ensemble des versions folkloriques et populaires est ainsi éliminé, y compris celles qui appartiennent à la même tradition religieuse. De façon délibérée, une tradition a été choisie et accède à un statut national, tout en étant remodelée selon les valeurs et les goûts contemporains. Les différences, les débats, les discussions permis par les jeux entre variantes sont ainsi annulés. Dans le contexte actuel il est même devenu impossible de discuter à la télévision des différences entre les versions (Bouddhistes, jaïns et Shakta folkloriques) puisqu’il est hors de question d’en faire un feuilleton. La richesse thématique des différentes versions est éliminée et l’histoire est présentée comme une « histoire sainte » que l’on ne peut mettre en question. La civilisation indienne n’a jamais traité de cette façon le Rama-katha. La culture indienne de la période précoloniale se caractérisait par sa diversité et son adaptation, et a enrichi chaque tradition. L’acceptation d’une version unique diminue la souplesse culturelle ainsi que l’encouragement à l’innovation, si nécessaire à tout idiome culturel.

54Cela fait aussi inévitablement partie de l’effort de la bourgeoisie pour redéfinir l’hindouisme comme une idéologie de la modernisation, considérée comme liée à la montée du capitalisme. Dans ses liens à la religion, le capitalisme est souvent supposé prospérer parmi les religions sémitiques telles que le christianisme et l’islam. Pour que le capitalisme réussisse en Inde, l’hindouisme devrait être moulé dans une forme sémitique, même si cette transformation désirée est souvent masquée par l’analyse qui considère que la résurgence actuelle de l’hindouisme est un retour aux traditions.

55Ces religions sémitiques sont caractérisées par un maître ou un prophète historiquement attesté, un livre sacré, une origine géographique identifiable, une structure e d.
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