Coup de massue pour Jean-Louis Démelin. Après quatorze ans de procédure. Le 21 décembre, contre toute attente, la cour d’appel de Montpellier a reconnu Font-Romeu, la commune des Pyrénées-Orientales dont il est le maire depuis 2008, responsable des conséquences dommageables de l’accident d’Alyette Beaufils, une skieuse originaire de Mayenne en Pays de la Loire. La station de sports d’hiver catalane est condamnée à verser à la plaignante et à la caisse primaire d’assurance maladie du Maine-et-Loire la provision d’un million d’euros. L’indemnisation, fixée après expertise, devrait être bien plus conséquente. La somme devra être déboursée par les assureurs.
Une première en France
Âgée de 23 ans à l’époque, fraîchement diplômée en sciences techniques d’activités physiques et sportives, Alyette Beaufils passe une semaine au ski, séjour offert par ses parents. Le 30 décembre 1997, lorsque la jeune skieuse dévale l’une des pistes vertes du domaine de Font-Romeu, elle dérape sur une plaque de verglas, quitte sa trajectoire et heurte un rocher. Sa colonne vertébrale est touchée et le diagnostic sans appel : tétraplégie sensitivo-motrice. "Elle est restée une heure au sol avant d’être aperçue par un skieur", raconte Me Patrice Marcel, son avocat.
Une enquête est ordonnée. Les parents de la jeune accidentée engagent une procédure devant les tribunaux administratifs afin que soit reconnu le manquement des pouvoirs de police du maire. "Mes clients ont été déboutés." Chaque fois. Jusqu’à une décision du Conseil d’Etat en 2009. "Il a considéré que l’affaire pouvait aller devant les tribunaux de droit commun." La cour d’appel de Montpellier a alors reconnu la responsabilité civile contractuelle de la commune catalane, débitrice d’une obligation de sécurité envers tous les usagers de ses pistes. Une première en France.
L'exploitant aurait dû interdire le passage
"La justice épouse son temps, vient en aide aux victimes", observe Me Marcel, tout en poursuivant : "La plaque de verglas constituait un risque particulier en raison de son emplacement dans une portion réduite, bordée à sa droite par un “half-pipe” et à gauche par des arbres et des rochers, plus ou moins dissimulés par la végétation." La juridiction indique que l’exploitant des pistes a "fortement sous-estimé le passage de la portion". En d’autres mots, il aurait dû en interdire le passage, ou baliser la présence de la plaque de verglas, ou poser des filets de protection le long de la zone boisée et parsemée de rochers.
Pour Jean-Louis Démelin, le maire de Font-Romeu, toutes les mesures de sécurité ont été respectées : "Les accidents de cette espèce sont très rares. On ne peut pas être derrière chaque skieur pour éviter qu’il glisse." Les règles de sécurité sont suffisamment drastiques. "Les services techniques évaluent chaque jour la dangerosité des pistes ." Sans compter les commissions de sécurité constituée avec "la préfecture, les forces de l’ordre, les pompiers...". Alors, il a bien du mal à comprendre. Sonné.
Crainte des stations
L’affaire va être portée devant la Cour de cassation, mais déjà, les professionnels des sports d’hiver s’inquiètent. « Ce genre d’accident ne doit pas faire jurisprudence », confie Alain Luneau des domaines skiables en Pyrénées. « C’est malheureux pour cette personne mais il ne faut pas généraliser, attaquer à tout-va. Tout est fait pour sécuriser les pistes, avec des dispositifs toujours plus performants. Les skieurs doivent aussi être maîtres d’eux-mêmes, de leurs comportements. »
PATRICIA GUIPPONI
Source Midi-Libre