Le projet de loi sur l'interdiction du voile intégral est présenté ce mercredi en Conseil des ministres. Retour sur ce voile de la discorde.
Ce que prévoit le texte présenté en Conseil des ministres
Le projet de loi "interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public" est présenté ce mercredi 19 mai en Conseil des ministres. Il prévoit de punir de 150 euros d'amende le port du voile intégral. Un stage de citoyenneté pourrait être obligatoire en complément ou à la place de l'amende pour les contrevenantes . Un délit "d'instigation à dissimuler son visage en raison de son sexe" serait également créé. Il serait passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende
L'avis du Conseil d'Etat
Dans un rapport remis au gouvernement début mars, le Conseil d'Etat a estimé qu'une interdiction généralisée de la burqa pourrait être "discriminatoire" et "difficile à appliquer". Il a également mis en garde le gouvernement contre une interdiction absolue qui pourrait être contestée au plan juridique.
Devant la pugnacité du président Nicolas Sarkozy, déterminé à soumettre au parlement un projet de loi d'interdiction du voile intégral dans l'espace public, le Conseil d'Etat émet deux mois plus tard de nouvelles réserves. Le 12 mai dernier, la haute juridiction réaffirme qu'une interdiction globale de la burqa ne reposerait sur "aucun fondement juridique incontestable" et serait "exposée à de fortes incertitudes constitutionnelles et conventionnelles".
Le pied de nez de Nicolas Sarkozy
Pour balayer les critiques du Conseil d'Etat, Nicolas Sarkozy a rappelé, au cours d'une réunion rassemblant à l'Elysée les chefs de l'UMP, que "c'est aussi le Conseil d'Etat qui avait dû émettre à l'époque des réserves sur l'élection du président au suffrage universel direct", en 1962. Une manière symbolique de remettre à sa place le Conseil d'Etat et de réaffirmer son volontarisme sur le sujet de l'interdiction du port du voile intégral.
La mission parlementaire sur le voile intégral
Pilotée par un tandem de choc, Eric Raoult (UMP) et André Gerin (PCF), la mission parlementaire sur le voile intégral a rendu ses conclusions fin janvier. Parmi la vingtaine de recommandations: une loi d'interdiction du port de la burqa dans "les services publics", y compris dans les transports.
La proposition de loi de Jean-François Copé
Le président du groupe UMP à l'Assemblée a dévoilé le contenu de sa proposition loi sur le voile intégral début janvier. Soit avant que la mission parlementaire ne rende public ses conclusions. Un court-circuit qui a fait grincer des dents. Le texte présenté par Jean-François Copé prévoyait que le port de la burqa soit passible d'une contravention de 4e classe, soit 750 euros d'amende. La gauche est montée au créneau.
La résolution votée à l'Assemblée
Le 11 mai dernier, l'Assemblée nationale adopte une résolution présentée par l'UMP contre le port du voile intégral. La première étape avant l'examen du projet de loi à l'Assemblée est franchie.
Le texte, voté à l'unanimité des députés ayant pris part au vote, juge notamment "nécessaire" que "tous les moyens utiles soient mis en oeuvre pour assurer la protection effective des femmes qui auraient subi des violences ou des pressions, et notamment auraient été contraintes de porter un voile intégral contre leur gré".
Cette résolution n'a pas de pouvoir contraignant. Elle est soutenue de fait par le PS, qui estime toutefois qu'un projet de loi d'interdiction générale du voile intégral serait stigmatisant pour les musulmans. Pour le leader du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, cette résolution parlementaire est un acte purement "solennel" , et du "racolage politicien".
Burqa ou niqab?
Les politiques ont beaucoup parlé de l'interdiction de la "burqa" au début du débat. Le terme est néanmoins impropre puisque la burqa est le vêtement traditionnel des tribus pachtounes en Afghanistan. Ce long voile, bleu ou marron, couvre complètement la tête et le corps, un grillage dissimulant les yeux. Le niqab, plus courant en France, est un voile sombre qui tombe jusqu'aux pieds et qui couvre le visage à l'exception des yeux. On parle désormais plus généralement de voile intégral.
"La burqa est une invention contemporaine. (...) Elle n'a jamais été portée au Maghreb avant aujourd'hui. Le voile intégral n'est donc pas islamique", précise Leyla Belkaïd, designer spécialiste de la mode du monde méditerranéen.
Combien de femmes sont concernées?
Seules 367 femmes sur le territoire national le porterait. C'est ce que rapporte une note du ministère de l'Intérieur, datée du début de juillet 2009. Le rapport a fait scandale.
Que dit le Coran?
Que dit réellement le Coran sur le voile intégral? "L'interprétation la plus courante (...) consiste à étendre à toutes les femmes le port, non pas l'usage de la " tenture", mais le port du voile. C'est cette interprétation, devenue une mauvaise tradition, que combattent aujourd'hui les intellectuelles progressistes, telles que Leïla Babès", explique Christian Makarian (directeur adjoint de L'Express) dans son livre Le Choc Jésus Mahomet.
Qu'en pensent les musulmans de France?
Les musulmans modérés sont majoritairement opposés au voile intégral. Les représentants de l'islam en France ont exprimé leur opposition à une pratique jugée "ultra-minoritaire" et à uneloi d'interdiction considérée comme "stigmatisante" pour la religion musulmane. Au sein de la communauté musulmane, le malaise grandit. Des tensions se font jour entre pratiquants.
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