La mentalité primitive selon Lévy-Bruhl

Lorsque, en 1910, Lucien Lévy-Bruhl publie Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures, le courant dominant en anthropologie culturelle est l’évolutionnisme : tout se lit en termes de stades de développement intellectuel. Selon les maîtres à penser de l’époque, les Anglais Edward B. Tylor et James George Frazer, les étranges croyances, coutumes et raisonnements des peuples anciens ou sauvages rapportés par les ethnographes relèvent d’un stade « primitif » de la culture. Si les Zoulous affirment qu’on peut séduire une femme simplement en mâchant un bout de bois (censé attendrir son cœur), c’est que leur ignorance est profonde, leurs raisonnements enfantins et pleins de confusions entre les idées et les choses. Mais améliorable. La notion de mentalité primitive, développée par L. Lévy-Bruhl au fil d’une œuvre abondante, nous semble aujourd’hui faire partie du même lot de visions réductrices et ethnocentriques. Pourtant, son projet n’est pas le même. L. Lévy-Bruhl ne voit pas les primitifs comme des gens attardés, mais différents. Il emprunte à Emile Durkheim l’idée que plus les sociétés sont simples, plus l’emprise des représentations collectives y est grande : or, ce qui domine le collectif est d’ordre « mystique » et non rationnel.

Les croyances des peuples non civilisés sont gouvernées par un principe de « participation mystique », lié aux contraintes sociales. C’est sa principale idée. La seconde idée est que ce principe suppose une certaine indifférence aux contradictions logiques, ce qui témoigne d’une organisation différente du psychisme…

https://www.cairn.info/la-culture--9782912601179-page-159.htm

On peut réfléchir sur la mentalité primitive, par exemple posons la question : quelle part de la mentalité primitive subsiste chez l'homme moderne ?

Mentalité primitive ou pas, l'humain est toujours confronté aux problèmes de travailler, se nourrir, s'abriter et se reposer ... Il n'y a pas d'autres alternatives ...

Exact.
Je dirais en plus penser, l'homme est un être pensant dans sa nature. La mentalité primitive en est déjà l'expression. Après la pensée s'est développée au cours de l'histoire, avec plus ou moins de réussite.

Moi, je pense que la mentalité primitive reste en plus grande partie présente dans la mentalité moderne.
Je pense que c'est une erreur de dissocier mentalité primitive et mentalité moderne de façon stricte comme nous le faisons.
Comme un anthropocentrisme de la pensée.

Je cite une critique intéressante d'un lecteur de Lévy-Bruhl :

L'âme primitive de Lucien Lévy-Bruhl
Beaucoup d'histoires d'hommes-tigres, de femmes-renards, de loups-garou ; d'esprit revenants, de mutation des âmes ; de sorts jetés, de prises de pouvoir à distance sur autrui ; de communion avec la nature, de comportements humains chez les animaux, etc.



A lire comme un recueil de contes (et l'auteur en a conscience qui fait de petits effets de suspense de temps à autre...).



D'un point de vue sociologique, les axes et lieu de réponse sur la question de l'âme chez les sociétés étudiées semblent être les mêmes que dans celle de Lévy-Bruhl : lien entre l'esprit et le corps, le devenir de l'être après la mort, l'étrangeté de la reproduction (d'où viennent la vie ? la personnalité ?), la taille de l'unité sociale minimale (individu, famille, communauté ?), etc. Les réponses sont peut-être seulement plus naïves et donc, plus lisibles...



Encore que sur les question de l'âme et du corps, l'affectation de Lévy-Bruhl à manifester son échec à appréhender les principes des tribus étudiées me semble illégitime du fait que ceux que les théologiens-métaphysiciens travaillent depuis au moins Pythagore à établir ne paraissent pas de manière certaine plus accessibles à la raison... La "compréhension" requerrait-elle une part irréductible d'intuition ?

Mais sans doute faut-il voir dans cette réticence une invitation faite au lecteur à se débarrasser de ses habitudes et de son environnement de connaissances pour entrer dans un univers où tout est à reconstruire. Et pour le coup, le dépaysement est assuré !

Lien : https://www.babelio.com/auteur/Lucien-Levy-Bruhl/300210/critiques

Dogiraudet a écrit:

Je cite une critique intéressante d'un lecteur de Lévy-Bruhl :

L'âme primitive de Lucien Lévy-Bruhl
Beaucoup d'histoires d'hommes-tigres, de femmes-renards, de loups-garou ; d'esprit revenants, de mutation des âmes ; de sorts jetés, de prises de pouvoir à distance sur autrui ; de communion avec la nature, de comportements humains chez les animaux, etc.

Franchement, je vois des similitudes avec la mentalité moderne.
Notre propre perception de la mentalité moderne comme strictement distincte est bien erronée, selon moi.