Ce post vient à la suite de la lecture de "Dieu n'existe pas" et de " Y-a-t-il un extérieur". Je me propose de démontrer que les concepts d'intérieur et d'extérieur n'ont de sens qu'à partir d'un postulat que j'énoncerai ci-dessous.
Dans un premier temps, je nomme extérieur le son d’une cloche ou la vue de la lune et intérieur des fourmis dans les jambes, ou une crampe d’estomac.
Faut-il prendre comme référence l’enveloppe charnelle?
Ma peau serait elle une interface entre l’extérieur et l’intérieur ? Si je promène mon doigt sur les lèvres et l’introduit dans la bouche, on arrive à l’intérieur*, mais il faut être plus précis et dire que les muqueuses restent une interface entre l’intérieur et l’extérieur. Ainsi, la cavité buccale serait “ extérieure” à mon corps; Si on va plus loin, on pourrait dire que la poche stomacale est extérieure à mon corps. Poussons plus loin et utilisons une fibre optique pour aller dans les vaisseaux sanguins. Même remarque! Poussons encore plus loin et écartons les fibres musculaires d’un muscle, les fibres sont-elles intérieures et l’espace entre les fibres extérieur ?
Allons, à l’aide d’une micro sonde dans une cellule, peut-on dire que le cytoplasme est une interface entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule ?
Alors, qu’est-ce qui est extérieur à mon corps ? Nous voyons donc que cette notion d’extérieur est toujours relative à l’objet observé et nous constatons que n’importe qui, muni des instruments adéquats peut accéder à ce qu’on appelle communément l’intérieur de mon corps, et qui est extérieur pour les autres.
Mais je viens d'utiliser le pronom possessif " mon", d'une part, et me référer aux "autres", d'autre part.
Le pronom possessif impliquerait-il qu'il y a un troisième larron auquel appartiendrait le corps ? Et qui ou que serait ce troisième larron ?
En fait, je suis un ensemble de sensations, de perceptions, d'émotions, de sentiments et de pensées.
Cet ensemble a-t-il un complémentaire , n'est-il pas la seule et unique réalité?
Si c'est la seule et unique réalité, alors il n'a pas de complémentaire, il n'y a pas d'extérieur. En effet, soit une douleur provoquée par une clé au bras. Ce que je mets sous le mot "clé" est un concept formé à partir de nombreuses sensations perçues et sélectionnées, à savoir la vue de lutteurs, d'affrontements, de la position des corps. Lorsqu'un des lutteurs est moi-même, je peux bien appliquer le concept de clé à une prise que me porte l'adversaire. Le mot douleur désigne lui-même un concept élaboré à partir de nombreuses expériences.
Mais ces deux concepts sont disjoints, car celui de clé au bras a pu s'élaborer sans que jamais elle ne me soit portée et celui de douleur à partir d'expériences sans que jamais rien d'observable ne les ai provoquées.
Toutefois, ces deux concepts font partie de moi, ils sont donc tous deux "intérieurs".
Si une clé au bras m'est portée et que j'en ressens une douleur , en disant que la clé est un événement extérieur et la douleur un événement intérieur, je fais implicitement l'hypothèse qu'il existe quelque chose de distinct des phénomènes que je vis qui les provoque.
Alors, autant faire cette hypothèse explicitement, et comme elle est invérifiable, autant la nommer postulat:
POSTULAT: le soi est divisé en éléments relativement indépendants.
Et du coup, je peux effectivement désigner par intérieur l'ensemble de mes sensations, perceptions, émotions , pensées et par extérieur ce qui les provoque et qui aurait une existence propre, indépendante de cet ensemble.
Bien entendu, le concept d'extérieur à un objet comme désignant tout ce qui l'entoure reste valable, mais il est alors très restrictif.
Ce qui, sans être une preuve expérimentale, me pousse à croire qu'un extérieur existe c'est le sentiment d'évidence qui nait à la suite d'un raisonnement en mathématiques. Cela m'amène à penser qu'il existe bien une structure, en l'occurrence mon cerveau, qui provoque ce sentiment et de proche en proche, un corps qui nourrit ce cerveau et pourquoi pas un univers "extérieur" qui nourrit le corps. Et qui est ce " moi " auquel le cerveau appartient ? Si ce moi est la conscience universelle, alors il n'y a pas d'extérieur, tout lui est intérieur. Mais si cette conscience universelle est divisée, alors on peut dire que chaque parcelle est extérieure à une autre. Pure hypothèse!
Mais il n'y a pas de pensée mathématique à priori dans "l'intérieur".
Lorsqu'on dit qu'une hypothèse est une construction à priori qui peut être soumise à "vérification" expérimentale, cela signifie que des liaisons synaptiques se sont formées dans le cerveau et que ces liaisons ne seront pas brisées par l'expérimentation. Si ces liaisons ne sont pas brisées, il y aura temporairement dans "l'intérieur" un sentiment de cohérence. Mais la cohérence n'est pas un caractère "à priori" de l'intérieur.
De cela on peut déduire que la croyance en un réel indépendant de "l'intérieur" n'est pas nécessaire pour faire œuvre de science, elle n'a d'intérêt que psychologique pour nous consoler de notre solitude.
En conclusion, la seule chose qui ME soit évidente, sans aucune contestation possible, c'est que je vis.
* Voici un autre argument qui montre que les notions d'intérieur et d'extérieur sont relatives: existe-t-il sur mes lèvres une frontière sans épaisseur à partir de laquelle je pourrais dire " mon doigt est à l'extérieur, ou à l'intérieur de la bouche" ?